La controverse autour du diagnostic et de la prise en charge de la borréliose de Lyme a gagné le Palais du Luxembourg. Les sénateurs de la Commission des affaires sociales se sont en effet penchés ces dernières semaines sur ce sujet épidermique lors de quatre tables rondes, dans lesquelles différents experts et responsables d’autorités sanitaires ont été entendus. Le principal grief émis par les parlementaires porte sur les discordances entre ces acteurs, qui déstabilisent professionnels de santé et patients. « C’est parce que nous avons entendu ces patients que nous avons pris cette initiative », souligne le Dr Alain Milon, généraliste et président de cette commission.
Le malaise gronde depuis la publication en juin 2018 de la très contestée recommandation de bonnes pratiques de la HAS. Parmi les points d’achoppement, les nouvelles guidelines entérinaient la notion de “symptomatologie/syndrome persistant(e) polymorphe après possible piqûre de tique” ou SPPT, sans toutefois parler de Lyme chronique. Or, le concept de SPPT fut loin de faire l’unanimité, en particulier parmi les infectiologues. Très impliquée dans l’élaboration de cette nouvelle recommandation, la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) n’a pas validé le texte de la HAS.
Un autre épisode marquant de cette saga date de fin 2018, quand la direction générale de la santé a demandé à la SPILF avec d’autres sociétés savantes de travailler sur de nouvelles recommandations.
En introduction à ces tables rondes (à visualiser sur le site du Sénat), Alain Milon a indiqué que le but de ces réunions n'était pas de trancher sur des différends médicaux mais de comprendre comment on en était arrivé là. En clair, les sénateurs souhaitent remettre un peu d'ordre dans cette cacophonie d'avis scientifiques et de recommandations. Ils n’ont pas souhaité la participation d’associations de patients à ces tables rondes, préférant avant tout un éclairage scientifique.
Le risque de plusieurs recommandations
La dernière réunion a permis d’entendre le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé et le Pr Dominique Le Guludec, présidente de la HAS. Alain Milon a en préambule manifesté son désarroi. Il a rappelé que les recommandations de juin 2018 « n'ont pas été endossées par les sociétés savantes ayant participé au groupe de travail. Et en septembre 2018, la DGS a quant à elle chargé ces mêmes sociétés savantes, et elles seules, d'élaborer de nouvelles recommandations pratiques, alors même que la HAS indiquait ne pas remettre en cause les siennes (...). À la controverse médicale s'ajoute désormais une potentielle pluralité de recommandations des autorités sanitaires qui ne me paraît pas de nature à clarifier le dossier. »
Pas de procès d'intention
Dominique Le Guludec a souhaité apaiser les discordances, indiquant en particulier que ces recommandations allaient être régulièrement actualisées, comme prévu, « au minimum tous les deux ans ». Ayant pris acte que la DGS avait missionné la SPILF pour un travail complémentaire, la présidente de la HAS dit attendre leur travail et la méthodologie utilisée : « Nous disons haut et fort qu'il serait regrettable pour les professionnels de santé comme pour les patients que deux recommandations différentes existent, au risque d'entraîner confusion et désorganisation. » Jérôme Salomon a quant à lui expliqué avoir en effet demandé à la SPILF de revenir sur ce sujet avec la vingtaine de sociétés savantes concernées par cette pathologie, et de le faire à partir des travaux de la HAS. Le directeur général de la santé réfute tout risque de chacun pour soi. Pas question selon lui« que chaque société sorte ses recommandations : le Lyme cardiaque, le Lyme neurologique, etc. Il n'est pas concevable qu'il y ait en France plusieurs recommandations officielles ou officieuses. Je vous demande de ne pas faire de procès d'intention. »
Cette offensive parlementaire donnera-t-elle lieu à un consensus ? D’ici un mois, un document rapportera le détail de ces échanges ainsi que le point de vue des sénateurs. Les parlementaires se disent prêts à revenir à la charge si à la rentrée, aucun progrès n’est constaté, en particulier sur les recommandations.
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