Le Conseil national de l'Odre des médecins (Cnom) s'est penché ces derniers mois sur la question des pratiques de soins non conventionnelles (PSNC).
« Médecine traditionnelle », « médecines alternatives », « médecines complémentaires », « médecines naturelles », ou encore « médecines douces », « ces nouvelles prises en charge sont en plein essor pour des raisons sociétales (système de santé en difficulté, défiance envers les professionnels de santé…) », observe le Cnom.
Pourtant, ces pratiques ne sont ni reconnues sur le plan scientifique par la médecine conventionnelle, ni enseignées au cours de la formation initiale des médecins.
Un annuaire des PSNC
Face à cette offre « exponentielle », le Cnom « s'inquiète donc des conséquences de la multiplication, sans contrôle, ni cadre, de ces pratiques non conventionnelles ».
Selon l'institution, il est nécessaire « de faire le tri entre des pratiques dangereuses pour la santé des patients et celles qui peuvent présenter un intérêt dans l’accompagnement du malade ».
C'est donc dans cette optique que l'institution a publié, mardi 27 juin, un rapport détaillé sur les PSNC. Le document en question dresse une liste de 23 techniques « qui ne sont ni validées scientifiquement ni encadrées juridiquement à ce jour » et qui peuvent, de ce fait, présenter des risques. Parmi ces techniques figure notamment l'apithérapie, l'aromathérapie, la biologie totale, la géophagie ou encore l'hydrothérapie du côlon (l'OMS recense 400 PSNC au total).
Face à la « recrudescence de la proposition de formations autour du bien-être et du développement personnel », le Cnom rappelle que ces formations « ne sont pas "labellisées" par les sociétés scientifiques ou médicales » et ne sont pas reconnues par l'État.
D'ailleurs, certaines de ces pratiques (ex : hijama, médecine du ciel, médecine traditionnelle chinoise) peuvent mettre les médecins en infraction avec le code de la santé publique, rappelle le Cnom. Et, ce, notamment au titre de l'article R.4127-14 du Code de la santé publique qui interdit aux médecins de proposer des « traitements insuffisamment éprouvés ».
L'usage de certaines pratiques par les professionnels de santé non médicaux (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, etc.) et des non-professionnels de santé, peut par ailleurs « constituer en réalité un exercice illégal de la médecine (ex : ventousothérapie ou l'hydrotomie percutanée) ».
Contrôle des formations, protection de l'utilisation du terme « médecine »
Afin d'identifier au mieux « les dérives de ces offres de soins » susceptibles de mettre en danger physiquement et psychiquement le patient, l'Ordre propose une kyrielle d'actions à mettre en place rapidement.
En premier lieu, l'institution, qui regrette qu' « aucun encadrement des PSNC (...) n'existe à ce jour », estime « indispensable » que le Groupe d'appui technique (GAT PSNC), jusqu'alors hors de fonctionnement, soit remis en place.
Une proposition qui a été aussitôt suivie d'effet puisqu’Agnès Firmin Le Bodo, qui avait annoncé la remise sur rails de ce comité en conclusion des Assises de la Miviludes en mars 2023, a indiqué ce mercredi matin avoir introduit la première réunion de ce comité d'appui. Un groupe de travail auquel le Cnom souhaiterait être partie prenante, apprend-on dans le rapport.
Par ailleurs, sur le champ de la sémantique, le Cnom est intransigeant. « Les termes " médecine " ou " docteur " n’étant pas suffisamment encadrés ou protégés, ils sont utilisés de façon volontairement ambiguë par (des) non-professionnels de santé. L’Ordre pense qu’une nécessaire modification de la loi doit être opérée pour remédier à ces ambiguïtés ».
Il semble par ailleurs indispensable à l'institution de revisiter le code Rome (Répertoire Opérationnel des Métiers et des Emplois) fourni par Pôle emploi et qui répertorie des professions (ex : herboristerie, bioénergie, aromathérapie) « non réglementées, quant à leur formation et leur exercice ».
Le Cnom appelle également les doyens à être vigilants face à « l'entrisme des formations de ces PSNC dans les facultés de médecine ».
Par ailleurs, le Cnom souhaite nouer des conventions de partenariat avec des instances concernées par la préservation de la santé publique. « Une information régulière des médecins et des patients s’impose » aussi selon l'institution, consciente de l'importance de son implication dans ce domaine.
Au final, l'ensemble des actions proposées par le Cnom font écho à celles propososées en mars dernier par Agnès Firmin le Bodo, lors des Assises de la Miviludes.
Les pratiques de soins non conventionnelles (PSNC) en chiffres
• 70 % des signalements dans le domaine de la santé concernent les PSNC (Miviludes)
• 20 % des dossiers traités au CNOM (Section Santé Publique) concernent les PSNC
• 70 % des personnes ayant recours à des PSNC sont atteintes d’un cancer (Miviludes)
• 80 % de la population mondiale a recours à la médecine traditionnelle (OMS)
Source principale : Rapport du Cnom « Les pratiques de soins non conventionnelles et leurs dérives. État des lieux et propositions d'actions ».
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes