DSS. Pourquoi vos trois syndicats se mobilisent dans une action commune ?
Cyril Boronad. Nous avons eu récemment une communication de la section H de l’ordre des pharmaciens nous informant d’un certain nombre de propositions de modifications réglementaires concernant les conditions d’exercice en PUI auprès de la DGOS et notamment celle d'autoriser des remplacements en PUI sans activité à risque par des pharmaciens non habilités au regard des conditions d'exercice actuelles (être titulaire du DES ou justifier de deux ans d'ancienneté dans une PUI avant 2017). Nos trois organisations sont absolument opposées à cette proposition. Nous précisons que le caractère d’activité à risques pour les PUI n’est pas lié à la compétence des professionnels, mais surtout dépendant des équipements et des organisations nécessaires pour les mettre en œuvre. Ces établissements ont souvent des patients âgés, fragiles considérés comme eux-mêmes à haut risque. Nous considérons que cette mesure remet en cause la qualité et la sécurité de la prise en charge des patients et remet en question les nécessaires compétences acquises par les pharmaciens hospitaliers durant quatre années d’internat pour assurer l’exercice pharmaceutique spécifique en PUI. Nous ne sommes pas sans méconnaître les difficultés de recrutement de notre filière. Des propositions ont été faites. Cela fait des années que nous demandons à augmenter le nombre de postes d'internes, mais les réactions des pouvoirs publics ont été tardives.
DSS. Pourquoi l’Ordre (Cnop) ne vous a pas concertés ? Est-ce leur façon habituelle de faire ?
Philippe Meunier. Non pas vraiment. Ces propositions ont été actées par l’Ordre très tôt, en fin d'année 2022. Il n'y a eu aucune discussion. On peut imaginer qu'on pourrait trouver un certain nombre de solutions à court, moyen et long terme pour régler les difficultés de nos collègues. Mais on voit bien que la démarche ne s'est pas engagée dans ce sens-là. Donc forcément notre réaction commune ne pouvait être qu'assez violente car nous n’avons été informés de ces mesures qu’en mai 2023.
C. B. La section H de l’ordre des pharmaciens assume le fait qu'il n’y ait pas eu de concertation. Nous avions exprimé notre désaccord en amont lors de discussions informelles, mais ses propositions ont tout de même été envoyées à la DGOS.
DSS. Monsieur le représentant des internes, quelle est votre réaction ?
Alexis Plan. Nous avons été très étonnés du caractère d’urgence, car ce sont des problèmes relativement connus. Nous avons été offusqués du fait de ne pas avoir été consultés. Surtout certaines mesures remettent en question notre formation de quatre ans, le concours d’internat, et toute la plus-value de l’enseignement. Et pourtant, alors que nous avons la possibilité en tant qu’internes de réaliser des remplacements en dehors des obligations de service, certains CHU refusent d’appliquer les derniers textes relatifs à ce sujet. Tandis que l’on nous parle énormément de postes non pourvus, nous avons été mis devant le fait accompli. On reproche aux internes de ne pas faire de remplacements. Pourquoi ? Premièrement nous n’avions pas l’information des offres de remplacements. Deuxièmement, il reste toujours très compliqué de les effectuer pendant notre internat, en dehors des six mois de disponibilité. Nous sommes très motivés pour réaliser ces remplacements très formateurs. Mais il faudrait au moins commencer par transmettre le message adéquat au CHU de rattachement avant d'ouvrir les remplacements à d'autres exercices.
DSS. Selon la DGOS, « le sujet est toujours en discussion avec les parties prenantes ». Avez-vous été consultés ?
P. M. Absolument pas. Nous avons demandé une deuxième fois à être reçus. Nous avons seulement eu un accusé de réception à notre premier courrier avec nos argumentaires précédemment cités.
C. B. Revenons à la pénurie qui existe depuis de nombreuses années dans les spécialités médicales. Ce n'est pas pour autant qu'on va demander à des diabétologues d'aller faire de la chirurgie cardiaque. Ce n'est pas parce que certains établissements ont des difficultés de recrutement, notamment dans le cadre de l’exercice isolé , que des patients doivent être pris en charge dans nos structures par des professionnels non formés à l’exercice.
P. M. Autre point, je ne suis pas certain que proposer sous couvert d’activité des passerelles entre les métiers telles qu'elles sont imaginées aujourd’hui par l’Ordre apporte des solutions.
DSS. Avez-vous des détails concernant ces nouvelles passerelles ?
C. B. Non, il doit y avoir un DES de pharmacie d’officine en attente depuis quelques années. Nous demandons simplement une adéquation avec ce qui existe pour les médecins, à savoir la possibilité de pouvoir effectuer un deuxième DES permettant d’acquérir les mêmes compétences nécessaires à l’exercice en PUI.
P. M. Les seules informations dont nous disposons relèvent de l’acquisition de blocs de compétences ou de stages. Cela ne nous convient pas. Ce qui est bon pour les médecins est bon pour nous aussi. Pourquoi réinventer des eaux chaudes qui existent déjà ?
C. B. Il ne s'agit pas de la volonté de trois présidents de syndicats corporatistes qui voudraient défendre des dogmes . Lors du congrès Hopipharm fin mai, l’énorme majorité des collègues ont été offusqués de cette potentielle réforme. Notre pétition commune a recueilli plus de 2 700 signatures. Ils soutiennent notre action, de même que la conférence des doyens de facultés de pharmacies, qui a également alerté directement la DGOS.
A. P. Ce contexte de pénuries est aussi très prégnant en officine. Nous trouvons décousu le fait de demander un effort aux officinaux. Le problème de l'organisation très général de la pharmacie au sens très large ne se pose pas qu'à l'hôpital.
DSS. Quid d'ailleurs de la progression du nombre d’internes ces dernières années ?
A. P. Il a augmenté de 25 % en deux ans, soit de 300 à 400 postes. Au final, 400 internes sortent chaque année du cursus de l’internat. Les premiers (50) n’en sortiront que dans trois ans. A l’ONDPS où nous siégeons, la problématique est sur le tapis depuis des années et les effectifs n’ont pas bougé pendant longtemps. La situation n’a changé que depuis deux ans. Sur un autre volet : celui de l’attractivité des carrières hospitalo-universitaires il a été créé une FST innovation et recherche en sciences biologiques et pharmaceutiques. Elle permet d’avoir jusqu’à deux ans de financement pour réaliser de la recherche durant l’internat, notamment pour une thèse d’université. Après avoir sondé les internes et les facultés, nous avons identifié un besoin de 60 à 70 postes, mais nous n’avons obtenu que 30 postes. Au final, quand on nous demande notre avis, les moyens ne nous sont pas accordés non plus.
DSS. Parmi les propositions de la section H, tout est à jeter ?
P. M. Non bien sûr. Certains points sont logiques. Il ne faut pas mélanger l’urgence qui n’en est plus une et les solutions à moyen et long terme (mutualisation, coopération sur des organisations territoriales).
C. B. Le problème des remplacements se pose principalement sur les PUI à exercice pharmaceutique isolé. Si vous avez une équipe suffisante, la question ne se pose pas. Dans ces structures avec des effectifs réduits, il faudrait déjà travailler sur un temps d'exercice minimum qui soit relativement conséquent pour assurer l’ensemble des missions de la PUI. Quand vous êtes pharmacien dans une PUI à 0,6 ou 0,8 ETP avec toutes les missions qui vous incombent, cela n’est pas possible de les assurer pleinement. Afin de régler définitivement cette problématique, nous avons proposé de fixer le temps minimum pharmaceutique à 2 ETP par PUI, en associant une réflexion territoriale et de coopération entre les établissements. L'augmentation des internes ne résoudra pas la question des remplaçants qui sont toujours sursollicités au moment des vacances dans les hôpitaux où un seul pharmacien exerce. Il faudra aussi répondre à l’attractivité et proposer des postes plus pérennes, par exemple en incitant les pharmaciens qui sont en internat à prendre des postes d'assistants, en leur donnant une visibilité dans l’évolution de leur carrière.
A. P. Nous sommes très ouverts à une coopération avec les officinaux. Nos formations sont différentes mais complémentaires et nous gardons cette main tendue vis à vis des officinaux pour développer le lien ville-hôpital.
C. B. En conclusion, nous indiquons que nos trois organisations se tiennent prêtes pour mobiliser tous leurs adhérents si par inadvertance un texte sortait sans qu'il y ait aucune discussion en amont.
* Cyril Boronad (Synprefh), Philippe Meunier (SNPHPU), Alexis Plan (FNSIP-BM).
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