Dans un contexte où la ministre de la santé a introduit l'obligation vaccinale pour les nourrissons depuis janvier 2018, comment une telle mesure appliquée aux soignants serait-elle perçue par les jeunes et futurs médecins ? Le « Quotidien » a sondé la position des syndicats d'étudiants, d'internes et de jeunes médecins.
Les professionnels de santé en France ne sont pas exemplaires en matière de vaccination : seul un quart se vaccine contre la grippe, et selon l'étude Vaxisoin (2009), le taux de couverture est < 50 % pour la rougeole (2 doses), < 45 % pour le rappel coqueluche de l’adolescence et < 30 % pour la varicelle, pour les personnes sans immunité connue.
La solution de l'obligation est avancée par les institutions. Dans un rapport publié en mai dernier, l'Académie de Pharmacie recommande que, pour les professionnels de santé, certains vaccins deviennent obligatoires : grippe saisonnière mais aussi rougeole, coqueluche et varicelle. Pour la grippe, si la ministre Agnès Buzyn préfère pour le moment l'incitation avec une charte signée cet hiver avec les 7 ordres de santé, dont l'Ordre des médecins, le Sénat s'est prononcé favorable à une expérimentation pour l'obligation des soignants.
Pour justifier sa position, l'Académie avait notamment pointé que les motifs des soignants pour ne pas faire vacciner « sont globalement les mêmes que pour la population générale et le plus souvent identiques dans les différentes catégories de personnels », les trois principaux étant les doutes sur l'efficacité, une réticence face à la vaccination et la crainte d'effets secondaires. À l'inverse, pour les vaccinations obligatoires (DTP, hépatite B, et jusqu'à son abrogation BCG), le taux de couverture ne pose pas problème.
Les jeunes médecins interrogés ne s'identifient pas à ce constat. « Les médecins savent que se vacciner, c'est protéger la population. Je ne vois pas comment on pourrait ne pas accepter en faisant médecine », estime le Dr Emmanuel Loeb, président de Jeunes médecins. Pour Solène Parabère, de l'ANEMF : « c'est une évidence pour les étudiants qu'il faut se faire vacciner, ça serait ironique de ne pas l'appliquer à nous-mêmes ».
Les jeunes générations sont-ils plus sensibilisés que leurs aînés ? « On est peut-être un peu plus sensibilisés qu'avant, reconnaît le Dr Yannick Schmitt. Après quelques années d'installation, il s'installe sans doute une forme de routine ». « Les jeunes médecins sont d'autant plus concernés qu'ils peuvent avoir des enfants en bas âge », relève le Dr Emmanuel Loeb.
Certains pointent les défaillances institutionnelles, d'autres une négligence historique des médecins vis-à-vis de leur propre santé. Pour le Dr Emmanuel Loeb, président des Jeunes médecins : « Aujourd'hui, on a ni le temps, ni un accès facilité aux vaccins ni des structures pour le faire. Si c'était le cas, tout le monde se vaccinerait ». Pour le Dr Antoine Reydellet, de l'ISNI, l'obligation est cohérente, « vu le contexte et le fait que des praticiens ont pu transmettre la rougeole », fait-il remarquer, mais il y a un problème du côté de la médecine du travail, qui est « déficitaire dans le secteur de la santé, comme partout ailleurs. Il n'y a pas de contrôle pour chaque professionnel de santé ».
Pour ReAGJIR, les remplaçants sont pénalisés par le fait de ne pas voir accès à l'espace pro de l'Assurance Maladie. « Du coup, on n'a pas accès au bon de prise en charge à 100% pour les patients et pour nous-mêmes. Demain, si le vaccin était obligatoire, les remplaçants ne pourraint toujours pas le faire », développe Yannick Schmitt, le président du syndicat.
Pour les plus jeunes, étudiants et internes : « C'est dommage d'arriver à l'obligation, estime Solène Parabère. Ce n'est pas une volonté mais plutôt une mauvaise habitude de ne pas prendre le temps de se soigner, de ne pas avoir de médecin traitant ». Un avis partagé par le Dr Lucie Garcin, présidente de l'ISNAR-IMG : « Chaque interne prend ses responsabilités. Il faudrait comprendre les raisons pour lesquelles les médecins ne se font pas vacciner : c'est un petit coût en pharmacie et les services hospitaliers nous proposent de le faire. Plus globalement, on encourage les jeunes médecins à avoir un médecin traitant pour un faire un bilan de leur santé, éviter l'auto-médication et les risques psycho-sociaux ».
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