Invité à débattre de la désertification médicale mercredi sur Public Sénat, le Dr Philippe Vermesch, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), a défendu le maintien de la liberté d'installation.
Le syndicaliste estime qu'après une période« très critique » durant les sept ou huit années à venir en raison du « manque de médecins et du départ des baby-boomers à la retraite », la situation devrait « se régulariser beaucoup plus tranquillement ». « Il y aura plus de médecins à ce moment-là », assure-t-il.
Lors de l'examen en première lecture du PLFSS 2018 au Sénat, des sénateurs sont revenus à la charge avec le conventionnement sélectif. Sur le plateau de « Sénat 360 », le sénateur de l'Eure, Hervé Maurey, président (UC) de la commission de l'aménagement du territoire et du développement au Sénat, a confié être « extrêmement déçu par ce que propose la ministre de la Santé ». « Depuis 25 ans, chaque plan de gouvernement ressemble au précédent », juge l'élu, qui aimerait en terminer avec les « mesurettes », l'incitatif ayant « prouvé ses limites » selon lui.
Le Dr Philippe Vermesch est lui opposé à la régulation de l'installation : « Forcer des médecins à s’installer dans des zones que l'État a désertées aggraverait le problème ». « Ce qu’il faut bien voir, c’est que la mentalité des jeunes a complètement changé, observe-t-il. lIs ne veulent plus travailler autant que leurs aînés ». Le leader du SML souligne également la féminisation de la profession qui sera « à 80% féminine d’ici 7 à 8 ans ». « Lorsque les femmes sortent de leurs études, elles ont envie de fonder un foyer, d’avoir des enfants », explique-t-il.
Pour lui, l'une des solutions serait « un concept de médecins volants ou de médecins libres dans des zones surdotées » qui iraient exercer dans des zones sous-dotées. « À condition évidemment qu'ils soient mieux rémunérés car ils délaissent leur cabinet. C’est un devoir civique et ces médecins doivent être récompensés ».
Un stage en libéral tous les ans
Mardi, sur Public Sénat, Agnès Buzyn avait qualifié le conventionnement sélectif d'idée « simpliste, qui ne fonctionne que pour les métiers qui ne sont pas en tension » et affirmé qu'il n’existait pas en France de zone surdotée en médecins. De quoi faire bondir Hervé Maurey : « Ce sont les ARS qui le disent », rétorque le président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement au Sénat, pour qui l'intérêt général doit primer sur la liberté d'installation.
Philippe Vermesch et les autres invités (Frédérique Gerbaud, sénatrice (LR) de l'Indre et le Dr Bernard Jomier, sénateur (PS) de Paris), se sont en revanche entendus sur la nécessité de réformer la formation des médecins.« C’est une médecine hospitalière qu’on enseigne », regrette le Dr Vermesch. « Il n’y a pas d’enseignement de la médecine libérale à la fac. Il faut que les médecins libéraux intègrent la faculté et y donnent des cours », estime-t-il. Le président du SML propose également d'instaurer, à partir de la 3e année d'études, un stage annuel obligatoire en libéral.
Des améliorations organisationnelles
La solution à la désertification passe-t-elle aussi par les maisons de santé pluridisciplinaires ? « Les seules maisons de santé qui marchent, remarque le Dr Vermesch, sont celles qui sont nées d’initiatives personnelles de médecins. Il faut un leadership. Il faut inciter les médecins à se lancer », répond le président du SML. Et pour cela, il faudrait simplifier l'élaboration des projets, estime-t-il.
Le stomatologue a également tenu à saluer les médecins qui effectuaient un « travail civique en travaillant après leur retraite tout en payant des cotisations retraites » et qualifié de « nette amélioration » l'allégement administratif et fiscal accordé aux médecins retraités en activité partielle, prévu par le plan contre les déserts médicaux présenté en octobre par Agnès Buzyn et Edouard Philippe.
Enfin, si le Dr Vermesch regrette qu'il soit « dommage d'attendre de toucher le fond du fond », perçoit une ouverture du côté de l'innovation avec l'article 35 du PLFSS, prévoyant des exonérations pour les innovations organisationnelles, qui devraient permettre « d'expérimenter » de nouveaux modes d'organisations entre médecins.
L'intégralité du débat (à partir de 24:55) :
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