Appartenir à une minorité est mauvais pour la santé. Les études scientifiques l'ont montré : ce que les chercheurs nomment aujourd'hui « stress minoritaire », résultat de la violence sociale subie au contact de la puissance majoritaire, a des conséquences très concrètes sur la santé des individus. Elles sont psychologiques (dépression, dépendances, etc.) et physiques (prévalence des cancers, des IST, etc.). C'est pour s'attaquer à cette réalité que deux associations belges ont créé, ce printemps, un site internet dédié à l'une des minorités les plus invisibilisées par la médecine : les FSF, femmes ayant des relations sexuelles avec d'autres femmes.
Plus d'IST, plus de cancers
Le site, lancé le 14 mai dernier et baptisé Go to Gyneco, cible la santé sexuelle. Il répond ainsi à un constat qu'ignorent volontiers les politiques de prévention mais aussi les intéressées elles-mêmes : les femmes lesbiennes, bies et les FSF ne s'identifiant pas comme l'une ou l'autre, sont en moins bonne santé sexuelle que les hétérosexuelles. Selon les chiffres collectés par les associations, elles sont ainsi trois fois plus touchées par les IST. Si les recherches sérieuses manquent sur ce sujet, l'International Lesbian and Gay Association (ILGA) affirme de son côté que les femmes lesbiennes et bies sont plus touchées par les cancers du sein et du col de l'utérus que les hétérosexuelles.
Les raisons sont multiples. Sous-informées quant aux risques, les FSF ne se protègent pas, se dépistent peu, et consultent moins que les hétérosexuelles. Le résultat, selon les associations, de leur invisibilisation par la société et, par extension, par le monde médical. « Si les FSF sont mal intégrées au parcours de soins, c'est d'abord parce qu'elles sont victimes des stéréotypes quant à leur sexualité, souligne Marine de Tillesse, membre de l'association Tels Quels, à l'origine de cette campagne. Dans l'imaginaire collectif, deux femmes qui couchent ensemble, ce n'est pas vraiment une sexualité car il n'y a pas de pénétration. Résultat, les FSF elles-mêmes ont intégré cette idée : pas de pénis = pas de sperme = pas de risque de transmission ».
Annuaire de médecins « lesbo-friendly »
Les politiques de prévention, focalisées sur le VIH et sur le préservatif masculin, ont créé une zone d'ombre sur une sexualité pourtant sujette, comme les autres, à différents risques. « Le sexe entre femmes n'est pas épargné par les IST, rappelle ainsi Sophie Peloux, coordinatrice prévention chez SIDA'SOS, l'autre cheville ouvrière de Go to gyneco. Herpès, chlamydia et Papillomavirus (HPV) sont très répandus, et se transmettent de nombreuses manières : sexe contre sexe, contacts oraux-génitaux (cunnilingus et anulingus) ou encore, même si c'est moins documenté, par échange de sex-toys ».
L'approche se veut globale : libérer la parole (coming out) ; informer sur les risques et leur mode de transmission ; inciter au dépistage ; et promouvoir le Safe sex via des outils tels que le carré de latex, efficace mais encore très peu connu et difficilement accessible.
Pour sortir les FSF de l'isolement médical, Go to gyneco fait également le pari du participatif : les femmes sont invitées à communiquer les coordonnées des médecins « lesbo-friendly », constituant un annuaire de praticiens sensibles et à l'écoute.
Formation des professionnels
Le site s'adresse aux FSF, mais aussi aux professionnels de santé, que les associations jugent aujourd'hui peu ou pas formés, et souvent mal informés. « Une enquête que nous avons menée auprès des FSF en Belgique nous a montré qu'il restait du travail, tant chez les gynécos que chez les généralistes, qui sont pourtant en première ligne, témoigne Marine de Tillesse. Certaines femmes, évoquant leurs pratiques sexuelles, ont entendu le médecin leur dire de revenir lorsqu'elles auraient une vraie sexualité. D'autres parlent de praticiens concentrés sur la seule question de la pilule, et qui jugent donc les lesbiennes comme un public accessoire ». Le site propose une approche simple pour aider les médecins à identifier les besoins de la patiente, via un schéma de discussion inclusif : les « 5P », comme partenaires, pratiques sexuelles, prévention des IST, passé avec les IST, prévention de grossesse.
Tels Quels et SIDA'SOS ont enfin lancé des formations en présentiel. Une première session sur la problématique FSF a ainsi eu lieu ce printemps auprès de professionnels de centre de planning. Les pros ont apprécié. Depuis, les demandes de formation affluent.
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