Le TPG à moitié censuré, Touraine jette l'éponge

Publié le 21/01/2016
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Crédit photo : GARO/PHANIE

C’est une bonne nouvelle pour les médecins libéraux en colère et une déconvenue pour l’avenue de Ségur. Le tiers payant généralisé ne passe pas aux yeux suspicieux des sages du Palais Royal. Du moins tel qu’il est organisé dans la loi de santé. Jeudi en fin de journée, le Conseil Constitutionnel a rendu sa décision sur le texte de Marisol Touraine et sa décision remet en partie en cause la disposition emblématique de la réforme de la ministre de la Santé.

En examinant la loi, le conseil a pourtant d’abord rejeté les arguments des sénateurs de l’opposition qui voyaient dans le paiement direct des médecins une forme de la liberté d’entreprendre et dans le TPG une atteinte à celle-ci. Il a rejeté aussi l’essentiel des arguments des députés de droite qui mettaient en avant la contradiction entre le TPG de Marisol Touraine et les dispositions de l’article L162-2 du code de la sécurité sociale qui posaient le paiement direct pour principe depuis 1971.

En revanche, les sages jugent que le législateur ne donne pas de garanties suffisantes aux médecins. Ou plus exactement s’il en donne pour tout ce qui concerne leurs relations avec le régime obligatoire d’assurance maladie, il omet de le faire sur le volet complémentaire. Le conseil constitutionnel observe en effet que les conditions dans lesquelles est assuré au professionnel de santé le paiement de la part des honoraires prise en charge par les régimes obligatoires de base d'assurance maladie sont suffisantes, puisque notamment, elles "imposent le respect d'un délai et le versement d'une pénalité en l'absence de respect de ce délai ". Mais qu’aucune mesure équivalente n’est prévue en ce qui concerne l'application du tiers payant aux dépenses prises en charge par les organismes complémentaires.

Pour les sages, cela suffit à censurer la partie complémentaire du tiers payant généralisé : "en se bornant à édicter une obligation relative aux modalités de paiement de la part des dépenses prise en charge par les organismes d'assurance maladie complémentaire sans assortir cette obligation des garanties assurant la protection des droits et obligations respectifs du professionnel de santé et de l'organisme d'assurance maladie complémentaire, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence", estiment-ils. Dans le jargon des juristes constiotutionnalistes, cela s'appelle une censure pour "incompétence négative" : comme s'il s'agissait de sanctionner la paresse du législateur.

Touraine prend acte, les syndicats exultent

Cette décision aurait dû obliger le gouvernement à réviser sa copie pour mettre en place une dispense d'avance de frais intégrale. Mais visiblement Marisol Touraine en a décidé autrement. Dans un communiqué diffusé jeudi soir, quelques minutes tout juste après l'annonce de la décision, la ministre de la Santé laisait entendre qu'elle n'irait pas plus loin : "Au 30 novembre 2017, le tiers payant devient un droit pour tous les Français, pour la partie remboursée par la sécurité sociale. Les professionnels de santé pourront en plus proposer le tiers payant pour la partie remboursée par les complémentaires santé", énonçait-elle.

Heureusement pour elle, le Conseil constitutionnel a en revanche été moins sévère pour les autres dispositions de la réforme Touraine. A commencer par le paquet neutre de tabac qu'il valide. La suppression du délai avant IVG ou les expérimentations de salles de shoot, passent aussi, de même que la nouvelle définition de la participation au service public hospitalier. Ce qui permettait à la ministre de se réjouir "de la validation par les sages de la quasi totalité de la loi de modernisation de notre système de santé".

En apprenant cette décision, les syndicats de médecins libéraux ont fait état de leur satisfaction. Les Sages ont "validé nos arguments contre la généralisation du tiers payant", se félicitait Jean-Paul Ortiz. Le président du CSMF soulignant que "depuis toujours nous dénonçons l'arrivée des mutuelles complémentaires et le lien direct qu'elles auront avec le médecin" avec la généralisation du tiers payant. Satisfaction aussi à MG France dont la principale réticences reposait justement sur la complexité supposée du volet complémentaire du TPG : "Cette décision est un soulagement pour les médecins libéraux qui refusent majoritairement la généralisation du tiers payant qui les aurait laissés seuls face à près de 600 régimes complémentaires. Soulagement de ne pas devoir vérifier les droits, établir deux factures sans garanties de paiement et gérer les impayés", observait le syndicat de Claude Leicher. "C'est un camouflet pour le gouvernement", estimait pour sa part Eric Henry. Le leader du SML estimant à propos des sages : "ils ont renforcé le paiement à l'acte et aussi l'image des syndicats; cela montre que tout ce qu'on a dit était vrai, puisque le conseil constitutionnel le valide !" 

De fait, ce revers pour le gouvernement pourrait paradoxalement lui faciliter les choses, voire permettre un début de réconciliation avec les syndicats de médecins. En revanche, la mise hors jeu des complémentaires dans cette affaire risque de compliquer encore ses relations avec la Mutualité. Au SML on redoute néanmoins un retour du TPG par le biais conventionnel, en dépit des récents démentis de la Cnamts. Mais c'est à la FMF que l'on reste le plus pessimiste : "Le Conseil Constitutionnel inflige à Marisol Touraine un revers cinglant, mais çà ne nous réjouit pas spécialement car nous avons perdu 3 ans et demi, explique Jean-Paul Hamon. "Ce pays a besoin d'une réforme. Nous devons redonner de l'attractivité à la médecine libérale pour que les jeunes aient de nouveau envie de s'installer en libéral. Rien dans cette loi ne le permettra."

 


Source : lequotidiendumedecin.fr