Le Conseil constitutionnel a jugé, ce vendredi, que les dispositions de la loi de lutte contre la prostitution de 2016 qui prévoient notamment la « pénalisation des clients » sont « conformes à la Constitution ». L’institution avait été saisie le 13 novembre 2018 par le Conseil d’État suite à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par 22 associations dont Médecins du monde et le Syndicat du travail sexuel (Strass) (1) et par plusieurs travailleurs du sexe en leur nom propre.
Une "décision morale et idéologique"
Le Haut Conseil à l’égalité a salué, dans un communiqué, la décision estimant qu’elle posait « un interdit clair de l’exploitation de la précarité, dont la prostitution est l’une des illustrations les plus violentes ». De leur côté, les requérants déplorent une « décision morale et idéologique » alors que la « question demande du pragmatisme », déplore Irène Aboudaram, représentante de Médecins du Monde. Les associations et les travailleurs du sexe (TDS) dénoncent une loi aux effets délétères. « Les conséquences de la pénalisation des clients sont pourtant connues et documentées, argue Antoine Baudry, représentant de Cabiria. La première, c’est la précarité, avec une augmentation de l’exposition aux IST dont le VIH, mais aussi aux violences. Il est plus difficile d’avoir des clients et les TDS en acceptent certains qu’elles n’acceptaient pas avant ».
« Le Conseil bafoue nos droits fondamentaux, notre droit à la santé, notre droit à la sécurité », ajoute Gabriela, représentante de l’association communautaire Paloma. Depuis la loi, j’ai peur d’être agressée, volée, violée, alors que ce n’était pas le cas avant. (…) La loi met en danger les personnes concernées sans régler la question de la traite des êtres humains qu’elle est censée combattre ». « La loi profite aux proxénètes car nous sommes obligés de passer par des intermédiaires pour travailler », abonde Anaïs, représentante du Strass.
Une entrave à la lutte contre le VIH
Chloé Le Gouëz, représentante d’Aides, déplore aussi cette décision dans la mesure où la loi, selon elle, impacte la lutte contre le VIH : « la loi est un facteur de vulnérabilité. Les politiques répressives font le jeu de l’épidémie et entrave la lutte contre le virus. On ne peut pas agir contre l’épidémie en refusant aux personnes concernées d’agir ». Les requérants attendent la publication d’un rapport gouvernemental qui doit dresser un premier bilan de la mise en œuvre de la loi. Prévue pour avril, la publication a été plusieurs fois reportée. À titre individuel, certains requérants vont se tourner vers la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH). « Les procédures y sont très longues, de 3 à 4 ans, mais, au regard des conséquences, nous ne pouvons pas attendre », insiste Irène Aboudaram.
(1) Mais aussi les associations sexuel, Aides, Fédération parapluie rouge, Les amis du bus des femmes, Cabiria, Griselidis, Paloma, Acceptess-t, Act-Up, le planning Familial, Autres regards, Avec nos Aînées, etc.
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