Le généraliste Plusieurs affaires récentes (Levothyrox, Depakine, Cytotec...) ont semblé montrer que les patients étaient davantage entendus par les pouvoirs publics et les autorités. Partagez-vous ce constat ?
Alain-Michel Ceretti Les patients se sont fait davantage entendre, ce n’est pas pareil. L’affaire du Levothyrox va marquer l’histoire. Il s’agit d’un mouvement spontané, d’une mobilisation citoyenne sur les réseaux sociaux. On a demandé au laboratoire de changer la formule du médicament sans interroger les malades, mettant le feu aux poudres pour répondre à une question qu’ils ne posaient pas. Cela ne doit plus arriver. À beaucoup de titres, l’affaire du Levothyrox montre que quand on ne prend pas l’avis des patients, on peut se tromper gravement. Une erreur technique s’est transformée en fiasco politique. Les autorités ont compris qu’il fallait réagir.
Qu’attendez-vous de la mission d’information sur le médicament lancée par Agnès Buzyn, qui sera coprésidée par Magali Leo, représentante des usagers ?
A-M. C. Cette mission a pour ambition de réfléchir à la communication à destination du grand public sur les médicaments. En tant qu’administrateur de l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), j’y suis très sensible. Aussi fou que cela puisse paraître, la loi interdit aujourd’hui à l’ANSM de s’adresser aux patients. On considère que l’agence traite de sujets trop sérieux pour être communiqués aux usagers ! Il faut mettre fin à ce résidu de la médecine paternaliste. Le malade est de mieux en mieux informé, il dispose d’une communication plus efficace grâce aux réseaux sociaux, ainsi que d’une réelle expertise.
Les dernières évolutions réglementaires comme la création des actions de groupe en santé ont-elles contribué à donner plus de poids aux patients ?A-M. C. Les innovations de la loi Touraine sont importantes, mais n’ont pas donné toute leur ampleur, notamment les actions de groupe. Les communautés de territoires de santé (CTS) sont en train de se mettre en place. Il reste beaucoup de résistances à la mise en place de la démocratie sanitaire là où on ne les attendait pas. Elles n’émanent pas des médecins ou des professionnels de santé mais de l’administration, des syndicats, du Medef où de certaines instances comme les communautés de territoires de santé. Là où il y a du pouvoir, les usagers dérangent et nos représentants ne sont pas forcément les bienvenus.
Les médecins, et en particulier les généralistes, sont-ils suffisamment à l’écoute des patients ?
A-M. C. Les généralistes sont les plus à l’écoute. À l’inverse du chirurgien qui verra un malade par épisode, le médecin de famille accompagne les patients dans leur quotidien. La décision partagée est une bonne nouvelle pour les soignants. Beaucoup sont touchés par le burn-out, lié à une perte de sens de leur engagement. De ce point de vue, le financement à l’acte, qui pousse à une course à l’activité, est à bout de souffle. On en voit la perversité pour le soignant, le malade et le système lui-même. Il n’est pas possible que 200 milliards d’euros de soins soient financés sans être évalués. Ce qui nous importe, ce n’est pas de savoir si la prothèse de hanche a été posée selon les règles de l’art, mais si la personne a pu reprendre une vie normale par rapport à sa prise en charge.
Vous devez donc approuver l’idée d’une recertification périodique des médecins souhaitée par le gouvernement ?
A-M. C. Nous sommes pour une évaluation périodique des compétences médicales. Difficile d’avoir suffisamment de recul sur soi-même et de regard critique pour déterminer ses lacunes si on n’est pas aidé à les identifier. L’idée n’est pas d’avoir une évaluation sanctionnante. En revanche, une procédure éclairante qui permet tous les 3, 4 ou 5 ans, avec les sociétés savantes de référence, de mettre en place des mesures correctrices à travers la formation continue a beaucoup de sens.
Alain Michel Cerettiprésident de France Assos Santé
« L’affaire Levothyrox va marquer l’histoire »
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Publié le 15/12/2017
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Selon le représentant du groupe associatif d’usagers, après la mobilisation citoyenne autour du Levothyrox, les autorités ne pourront plus prendre de décisions sanitaires sans tenir compte de l’avis et de l’expertise des patients.
Propos recueillis par Christophe Gattuso
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Source : lequotidiendumedecin.fr
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