Alors qu’une nouvelle tentative récente au Sénat voudrait la supprimer, l’aide médicale d’État (AME) est déjà bien difficile à faire valoir aujourd’hui d’après les résultats d’une enquête interassociative.
La Cimade, Médecins du monde, Dom’Asile, le Secours Catholique et Comede (comité pour la santé des exilés) ont mené une enquête* en Île-de-France. Elle montre que depuis la réforme de 2019, l’accès aux soins des personnes susceptibles de pouvoir bénéficier de l’AME est de plus en plus entravé.
En 2019, la réforme de l’AME a introduit un délai minimum de trois mois de présence en situation irrégulière sur le territoire et a imposé un dépôt physique des premières demandes.
L’enquête associative s’est donc penchée sur les parcours administratifs pour les demandes et conclut à « une importante détérioration de l’accès à l’AME à travers un cumul d’obstacles administratifs rendant très difficile l’accès aux agences CPAM ». Un accès restreint avec des conséquences importantes puisque : 64 % des personnes interrogées ont rencontré des difficultés pour se soigner faute de couverture santé et parmi elles, 7 sur 10 ont renoncé aux soins.
En Seine-Saint-Denis, une agence sur tout le département
L’enquête met notamment en évidence des disparités territoriales importantes. Si le dépôt physique au guichet des CPAM est désormais obligatoire, chaque caisse « organise l’accueil du public avec une marge d’autonomie, conduisant à une disparité d’accès aux droits très forte selon les départements », souligne l’enquête.
Alors que dans certains départements il est possible de déposer le dossier dans chacune des agences, dans d’autres cela est limité à une agence. Une limitation qui force parfois les demandeurs à faire de longs trajets.
« En utilisant les transports en commun, les personnes en situation irrégulière risquent l’interpellation en cas de contrôle policier », ajoutent les associations.
D’après l’étude, la CPAM de Seine-Saint-Denis fait figure de bonnet d’âne. « Une seule agence sur l’ensemble du 93 est dédiée à l’accueil des primodemandeurs : La Courneuve. Plus d’une personne interrogée sur trois a mis plus d’une heure pour arriver jusqu’à l’agence. »
Des modalités inadaptées
L’obligation de prendre rendez-vous pour déposer son dossier ou retirer sa carte est aussi problématique. « Si l’on ne sait pas lire et écrire le français, qu’on ne dispose pas de connexion internet ou de forfait téléphonique pour appeler le 3646 - numéro de l’Assurance maladie -, se soigner devient une mission impossible », déplore le Dr Florence Rigal, présidente de Médecins du Monde.
Une usagère témoigne également : « J’ai besoin de voir le docteur, je n’ai plus de traitement depuis 3 semaines. J’habite à 45 minutes, et j’ai du mal à me déplacer. C’est la deuxième fois que je viens, mais je n’ai toujours pas réussi à retirer ma nouvelle carte AME. Pour mes précédents renouvellements j’y arrivais sans problème, mais je ne comprends pas les nouvelles procédures. Je n’ai pas internet, et je n’ai pas les moyens de charger des crédits sur mon portable. Heureusement une personne a pris RDV pour moi avec son téléphone. Je dois revenir dans 10 jours. »
Et même pour ceux qui peuvent téléphoner, ils ne sont pas assurés d’arriver à joindre quelqu’un. Selon l’enquête, plus d’un tiers des appels n’aboutissent pas en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne. Il est aussi fréquent d’attendre entre 20 et 45 minutes selon les départements concernés pour espérer que l’appel soit effectivement décroché.
Des informations incomplètes
Une fois en contact avec les Caisses, les informations délivrées posent aussi problème. Seulement un peu plus d’un appel sur trois aborde la condition d’irrégularité du séjour pour la CPAM 93 (38 %), et un peu plus d’un appel sur quatre celle du plafond de ressources nécessaires pour la CPAM 94 (26 %).
L’enquête montre aussi que seulement 4 % des interlocuteurs orientent les personnes qui ne disposent pas d’une couverture maladie vers les permanences d’accès aux soins de santé (PASS), pourtant principal dispositif qui leur est dédié.
Les associations pointent aussi un accueil physique au guichet des CPAM inadapté, « pire dans certains cas il s’agit d’obstacle manifeste d’accès à un service public ».
Un des problèmes est le premier contact qui se fait avec un vigile et non un agent de la CPAM, l’absence de service d’interprétariat et un manque d’informations.
« L’Assurance maladie propose un accueil totalement inadapté et entrave, de fait, l’accès un à droit fondamental pour les personnes étrangères sans titre de séjour, alors que des solutions simples existent ! », affirme Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade.
Les associations à l’initiative de cette enquête portent donc trois revendications. La possibilité de déposer une demande d’AME dans l’agence CPAM la plus proche de son domicile, que celle-ci puisse se faire sans rendez-vous et la mise en place de dispositifs appropriés : interprétariat, brochures d’information, formation des agents.
*L’enquête s’est appuyée sur : un recueil d’informations en ligne sur ameli.fr et la plateforme de prise de rendez-vous en ligne clicRDV.com, un testing téléphonique du 3646 (271 appels entre le 10 et le 16 janvier, auprès de 4 services départementaux 75, 93, 94, 95), un questionnaire à destination des usagers sortant de la CPAM de la Courneuve (258 personnes).
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