Désormais, 80 % des nouveaux médicaments sont issus des biotechnologies, mais leur coût de production, très élevé, pose un problème de financement : sur les dix médicaments les plus coûteux utilisés à l’hôpital, sept sont des biomédicaments.
Comme pour les médicaments chimiques, les brevets des médicaments biologiques tombent dans le domaine public au bout de vingt ans. Ainsi, par comparaison avec les médicaments génériques obtenus par synthèse, est apparu le concept de médicament « biosimilaire ». La complexité des molécules et la variabilité liée à la matière vivante, ainsi qu’aux procédés de fabrication ne permettent pas d’obtenir un principe actif identique, mais « similaire ».
L’Union européenne s’est dotée, dès 2005, d’un cadre réglementaire pour l’attribution des autorisations de mise sur le marché. L’Agence européenne du médicament (EMA) a fait le choix de laisser à chaque État-membre le soin de réglementer sur la mise en œuvre de la substitution.
La fixation des normes et standards est un enjeu de compétitivité majeur, par les effets d’un leadership conceptuel, puis industriel. Les États-Unis se sont orientés vers un système où l’interchangeabilité par un médicament biosimilaire est une qualité complémentaire qui doit être démontrée par des tests spécifiques, créant ainsi deux catégories de médicaments biosimilaires, interchangeables ou pas. Les mesures d’application sont attendues dans les États de l’Union en 2016.
Substitution par le pharmacien
En France, l’article 47 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2014, prévoit la possibilité de substitution par le pharmacien, mais uniquement en initiation de traitement et après en avoir informé le prescripteur. Or, depuis plus de deux ans, le décret d’application n’est toujours pas publié.
L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologies (OPECST) a réalisé, en janvier 2015, une audition publique réunissant toutes les parties prenantes, constatant que la France était le seul pays au monde instaurant une telle substitution par le pharmacien. Dans un rapport publié en mai 2015, l’OPECST dressait la longue liste des conditions qu’il faillait remplir (caractérisation des biomédicaments, certification du processus de production, contrôle de qualité, pharmacovigilance, traçabilité, dossier pharmaceutique en ville et à l’hôpital…) pour que la sécurité du patient soit assurée.
Ces conditions ne sont pas remplies aujourd’hui. L’erreur a sans doute été de confier au pharmacien – et non au prescripteur – la substitution d’un médicament de référence par un biosimilaire, sans avoir défini au préalable si le médicament était interchangeable. Certaines études, montrent que la substitution en cours de traitement peut induire des effets indésirables. Les outils de traçabilité posent également question, ce qui rend nécessaire l’introduction d’une nomenclature plus fine des biomédicaments, pour caractériser le laboratoire, le lieu et le processus de fabrication.
Assouplissement des règles
Des déclarations du directeur de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) laissent présager un assouplissement des règles afin de permettre une interchangeabilité des médicaments de référence et similaires. Or, ni les parlementaires, ni les industriels, ni les associations de patients n’ont à ce jour été consultés, malgré les demandes… L’opacité la plus grande règne sur ce dossier !
Si la baisse des prix que représente l’arrivée sur le marché des biosimilaires pourrait alléger le poids supporté par l’assurance-maladie et libérer des financements pour l’innovation, le niveau de sécurité doit rester au plus haut. Or la sécurité médicale est directement dépendante de la sécurité juridique relative à leur utilisation. Constatant la paralysie réglementaire, nous pensons que si l’article 47 pose un problème d’application insurmontable, il faut donc le modifier. Mais le décret d’application ne doit pas trahir la loi ou son esprit !
L’interchangeabilité ne peut faire l’impasse sur la sécurité, sans évaluer les risques d’immunogénicité, de toxicité ou de perte d’efficacité. Comment s’assurer de la qualité de fabrication des biosimilaires, souvent produits en Asie ? Comment assurer la traçabilité des lots ? Dans quelle mesure des biosimilaires d’un même produit de référence sont-ils interchangeables entre eux ? Comment harmoniser les politiques européennes des États-membres ? Compte tenu de l’arrivée prévue en 2016 de nombreux biosimilaires d’un même princeps, il est temps de mettre en place un cadre précis et sécurisé.
Le développement des biomédicaments et des biosimilaires est un enjeu majeur pour la France et l’Europe : en 2014, 200 médicaments biologiques sont disponibles, 900 autres sont en développement. En 2020, le chiffre d’affaires mondial généré par les médicaments biologiques atteindra 20 à 25 milliards d’euros. L’industrie pharmaceutique française doit saisir l’opportunité des médicaments biosimilaires pour rattraper son retard dans les biotechnologies. Elle ne pourra le faire que dans un cadre assurant la sécurité juridique et la confiance des médecins, des pharmaciens et des patients !
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