Le Généraliste. Dans quel état d’esprit se trouve le Sénat vis-à-vis de cette loi de santé ?
Catherine Deroche : Le contexte était très différent lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale mais je n’ai pas le sentiment que les médecins aient été rassurés par la ministre. C’est assez rare de voir tous les syndicats se retrouver autour des mêmes interrogations et inquiétudes. Nous prendrons en compte les inquiétudes des médecins même s’il n’est pas question de faire une loi pour les corporatismes.
Nous allons partir du système de santé que la majorité sénatoriale veut mettre en place, équilibré entre médecine de ville et médecine hospitalière, et des défis que pose l’organisation des soins. À partir de là, nous verrons ce qui, dans le texte, y répond, ce qui est bien et mérite d’être amélioré et ce qui est contraire au schéma d’organisation qu’on souhaite privilégier. On veut que sorte du Sénat un texte qui corresponde à notre vision du système de santé.
D’un texte fourre-tout à une grande loi de progrès social, tout a été dit de ce texte. Qu’en pensez-vous ? Entre détricotage et réécriture, que va faire le Sénat ?
C.D. Je ne ferai pas au texte le grief d’être un catalogue. Depuis des années on est confronté à ce type de loi fourre-tout car dès qu’on aborde des sujets qui ont trait à la santé, on dit d’attendre la loi de santé publique. De là à dire que c’est une grande loi de santé publique, non. C’est un ensemble de mesures, la loi essayant de toucher à tous les sujets liés à la santé.
On va garder ce qui nous semble bien et amender des dispositions qui nous semblent soit insuffisantes soit pas conformes à ce qu’on souhaite (comme la suppression du délai de réflexion pour l’IVG). En matière d’organisation des soins sur le territoire, de la place respective de l’hôpital et de la médecine de ville, nous allons essayer de trouver des équilibres. On va travailler article par article, tout en tenant compte du contexte budgétaire dans lequel on évolue. À mon sens, il sera difficile de supprimer le nombre d’articles. C’est un panel tellement large qu’on aura du mal à réduire le texte. Sans compter qu’il y aura des amendements des rapporteurs, d’autres en séance… Je ne prendrai pas l’engagement qu’on ait, au final, un texte beaucoup plus léger. L’objectif est d’avoir un texte qui fasse ressortir la façon dont doit évoluer le système de santé.
Le don d’organe, le tiers payant généralisé ou encore le pouvoir des ARS ont fait l’objet de vives critiques. Qu’en pensez-vous ?
C.D. Je suis défavorable au tiers payant généralisé. Ça fait 10 mois que la ministre dit qu’elle va trouver un système simple mais, apparemment, elle ne l’a toujours pas trouvé. Avec les pénalités que devra verser l’Assurance Maladie aux médecins en cas de retard de paiement, ça va finalement coûter plus cher en frais de fonctionnement. Je ne vois pas ce que ça apporte en terme de simplification. Ni en terme social, le tiers payant existant déjà pour les patients qui sont à la CMU ou en ALD, les médecins s’arrangeant par ailleurs parfois pour tenir compte de la situation financière de leurs patients. Il faut remettre les médecins sur leurs tâches essentielles que sont les soins. Et ne pas les encombrer de tâches administratives. La généralisation, dogmatique et emblématique, ne répond pas à un réel besoin.
Je suis très favorable au don d’organe et à sa promotion. Mais je pense que, pour une équipe soignante, c’est très difficile, au moment de prélever des organes, de le faire sans consulter la famille. Il faut qu’il y ait une vraie information sur le don, un registre des refus… Concrètement et humainement, je pense qu’aucune équipe hospitalière ne pratiquera de prélèvement sans le consentement de la famille.
Quant au pouvoir accru des ARS, on va voir, au fil des auditions, comment la situation est perçue, si les craintes sont fondées ou non et comment y remédier. Certains souhaitent que les ARS soient renforcées. En même temps, il faut qu’elles restent à leur place. Mon collègue, Alain Milon, a fait un rapport sur les ARS donc il connaît bien le système et a quelques idées là-dessus ! Je pense qu’on peut encourager les initiatives privées, l’ARS doit rester dans son rôle d’animation territoriale et ne pas se substituer aux professionnels de terrain.
Sur ce genre de réformes, à quoi sert le Sénat qui n’aura pas le dernier mot ?
C.D. Quand on examine l’ensemble des textes législatifs, on se rend compte que 60 à 70 % des articles sont issus de la rédaction du Sénat ! Même si l’Assemblée a le dernier mot, elle garde beaucoup de modifications faites par le Sénat.
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