Depuis une décision du Conseil d’État du 22 juin 2022, les établissements publics de santé doivent se doter d'un « dispositif fiable, objectif et accessible permettant de décompter (…) outre le nombre de demi-journées, le nombre journalier d'heures de travail effectuées par chaque agent, afin de s'assurer que la durée de son temps de travail effectif ne dépasse pas le plafond réglementaire de quarante-huit heures hebdomadaires, calculées en moyenne sur une période de quatre mois pour les praticiens hospitaliers et de trois mois pour les internes. » À l’été 2022, Jeunes Médecins a demandé aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) de respecter ces règles et, suite à l’absence de réponse de l’établissement pendant deux mois, a saisi le tribunal administratif de Strasbourg. Le juge des référés, qui a rendu sa décision le 20 février, a considéré que les HUS méconnaissent « une obligation substantielle » qui s’impose à eux « en tant qu’employeur d’un grand nombre de praticiens hospitaliers et d’internes ». Le tribunal les a donc enjoints de réexaminer la demande de Jeunes Médecins et de mettre en place des mesures provisoires permettant un calcul fiable et objectif du temps de travail dans un délai de deux mois.
Décorréler temps de travail et effectifs
Satisfait de cette décision, le Dr Emmanuel Loeb, président de Jeunes Médecins, annonce que le syndicat « continuera de saisir la justice dès lors que le décompte du temps de travail n’aura pas été correctement mis en place dans un établissement ». Et dans le contexte de crise actuelle, il en appelle « au ministre de la Santé pour revaloriser l’activité hospitalière. La question du temps de travail doit être décorrélée de celle des effectifs. Les praticiens ne peuvent pas devenir les variables d’ajustement d’une politique d’attractivité qui n’est pas au rendez-vous. Ne culpabilisons pas les médecins sur le fait qu’ils pourraient mettre en difficulté la prise en charge de certains patients. C’est le rôle du politique et de l’administratif de s’assurer que les conditions de travail de tous les professionnels de santé sont suffisamment sécurisantes et bienveillantes pour qu’il n’y ait plus de problème d’organisation ou de recrutement. »
Fracture générationnelle ?
Si le Pr Jean Sibilia, PU-PH aux HUS et doyen de la Faculté de médecine, maïeutique et sciences de la santé, salue, lui aussi, une « décision juste visant à préserver la qualité de vie de tous », il rappelle la difficulté de respecter la réglementation en matière de temps de travail. « Les tensions sur le système de santé ont été parfaitement décrites dans le cadre du CNR Santé Grand-Est. Face à cette situation, aucun soignant n’abandonnera un patient sous prétexte qu’il entame sa 49e heure. Je ne défends pas un propos démagogique, je décris une réalité », exprime-t-il même s’il reconnaît que les jeunes médecins aspirent à d’autres modalités d’exercice. « Chacun est mobilisé selon sa vision du monde, de la société et de sa vie personnelle. Il ne faut porter aucun jugement. Je soutiens les jeunes générations qui privilégient une autre façon de s’engager. Mais chacun doit le faire selon son propre mode de fonctionnement. Il faut que nous prenions conscience, tous ensemble, des immenses enjeux et des transformations profondes de notre société… Et surtout trouvons des solutions ! »
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