Je trouve le Dr Bernard Kron trop optimiste dans son article du 17 janvier (Le Quotidien n° 9716 : « Notre système de santé va-t-il exploser ? ») La première solution de « changement sans rupture » me semble, comme vous, vouée à l’échec. Ne serait-ce qu’en regardant la dispersion totale façon puzzle de tous les acteurs qui tirent en étoile dans toutes les directions…
(La deuxième solution (« Une transformation plus franche ») est utopique comme vous le dites. En effet, la bureaucratie est comme un cancer que nous connaissons tous bien. Elle se multiplie pour justifier son existence mais tue l’organisme qu’elle colonise et pour comble arrive, elle aussi, à faire des métastases ! Alors de là à imaginer une transformation avec peu de bureaucratie… autant rêver.
Double destruction inexorable et marxisante
Votre troisième Scénario parle de « désintégration ». Mais mon cher Confrère, nous sommes en plein dedans ! Le Système Médical Français a subi depuis au moins 40 ans une double destruction inexorable et marxisante sous le fallacieux masque-pretexte d’Égalitarisme.
Il a créé une dépendance anesthésiante qui aveugle tous les patients sur le coût réel des soins. Il a élaboré un hospitalocentrisme déstructurant, creusant un fossé d’une écrasante stupidité entre Ville et Hôpital. Il a désespéré ses médecins, à l’hôpital comme en ville, ces derniers étant déshonorés dans tous les sens du terme, année après année, finissant par une désertification, prévue, mais non prise en compte à temps et qui alarme les clercs responsables !
D’autre part, il a totalement et volontairement détruit l’éducation et l’enseignement d’un corps médical humaniste et compétent. Il engendre maintenant un nouveau corps médical ¨ « moderne » et informatisé, dont les exigences, justifiées comparativement à tout ce qui les entoure, pourraient paraître apparentées à celles de « fonctionnaires », d’autant que beaucoup penchent pour le salariat… Et que dans 30 ans, les citadins seront deux fois plus nombreux que les ruraux ( projections ONU : 6,7 vs 3,1 Mds ).
Capitalisme supranational pur et dur
Face à cela, nous affrontons un monde entier dirigé par un capitalisme supranational pur et dur qui réduit le social à sa plus simple expression, exigeant brutalement que chacun se prenne en main. La France actuelle avec ses gilets ictériques, et bien d’autres pays en Europe, montrent assez le précipice qui marginalise ces malheureux qui sont à la peine, dépendant d’un social non financé mais qui coûte chez nous quand même 780 Mds/an.
Alors j’ai bien peur que votre « scénario de désintégration » ne soit en cours. Nos gouvernants font semblant de ne pas comprendre que la toute puissance des GAFA que vous citez fort justement et que j’associerais aux assurances, ne vont pas nous attendre. Si nous ne maîtrisons pas nos fameuses data, ils ne feront dans les années qui viennent qu’une seule bouchée de nos systèmes médicaux et cela beaucoup plus vite qu’on ne le pense, tant ils les lorgnent avec gourmandise. Avec 1,5 Md d’investissement dans l’I.A, nous sommes totalement en retard. J’avais d’ailleurs adressé une « pochade » sur ce sujet l’an passé.
Vous évoquez in fine, en pensant qu’on vous qualifiera de « réac », de revenir à une gouvernance simplifiée adossée à un changement de fond en comble des études. L’avenir va nous le dire très vite. Mais il y a une certitude (même si les certitudes sont dangereuses), c’est que la médecine concerne l’Homme et refaire des médecins qui sachent écouter, examiner, partager, prendre du temps sera une nécessité devant l’inhumanité de la perfection des outils informatiques. Qu’est-ce qu’une médecine sans âme et qu’est-ce que l’âme informatique ?
PS : lisez donc le livre du Dr Henri Duboc, « Vous allez mourir… mais je n’ai plus de batterie ». Il va encore plus loin que moi !
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