Après les infirmiers il y a quelques mois, ce sont les généralistes qui sont passés, cet été, au crible « anti-fraudes » de l'Assurance maladie.
Résultats ? En 2018-2019, le montant de la fraude imputée aux 57 000 médecins généralistes libéraux exclusifs se situe entre 185 et 215 millions d'euros, soit entre 3,1 % et 3,5 % (après redressement statistique) du total des soins remboursés*, selon des chiffres de la Cnam dévoilés ce vendredi à l'occasion d'une conférence de presse consacrée à la lutte contre la fraude.
À titre de comparaison, le montant du préjudice financier global pour les infirmiers libéraux en 2018-2019 est, lui, estimé entre 286 et 393 millions d'euros, soit entre 5 % et 7 % du total des soins remboursés.
Les fraudes à la prescription : 43 % du préjudice financier total
La plupart du temps, les préjudices détectés auprès des médecins généralistes sont dus à des fraudes à la prescription (18 % des dossiers de griefs, 43 % du préjudice financier total) ou à des prestations fictives ou des facturations frauduleuses (34 % des dossiers de griefs, 31 % du préjudice financier total).
Il arrive aussi que les généralistes pratiquent illégalement la médecine ou exercent en même temps que leur exercice une « profession non médicale » (10 % des dossiers de griefs, 10 % du préjudice financier total).
Et si « la fraude des généralistes (...) reste une minorité », admet Thomas Fatôme, la Cnam va continuer de passer au crible, dans les prochains mois, d'autres professionnels de santé comme les masseurs-kinésithérapeutes et les pharmaciens.
Dès le premier semestre 2023, l'Assurance maladie débutera aussi des travaux d'évaluation de la fraude pour les chirurgiens-dentistes et, à partir du second semestre 2023, pour les médecins spécialistes et les laboratoires.
Une stratégie que l'Assurance maladie juge payante alors que « près de 2/3 des fraudes détectées se concentrent chez les professionnels de santé ».
Contrôler et détecter…
Outre cette démarche d'évaluation, la Cnam s'engage dans une démarche d'accompagnement des professionnels de santé.
Comme elle le fait depuis septembre 2021 pour les infirmiers nouvellement installés, l'Assurance maladie compte déployer des actions de « pédagogie et de contrôles systématiques sur les règles de facturation à 4 mois ( « à blanc ») et à 12 mois », pour les jeunes médecins.
Le renforcement des outils de contrôles est également au cœur du nouvel arsenal anti-fraude de la Cnam. Une des mesures présentées lors de sa conférence de presse figure notamment dans le PLFSS 2023. Elle consiste à « attribuer des pouvoirs de cyber-enquête à des agents agréés assermentés désignés par le Directeur de la caisse nationale ».
« Ces agents pourront procéder à des actes sous pseudonyme, sans être pénalement responsables : participer à des échanges électroniques y compris avec les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions : extraire ou conserver par ce moyen les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions et tout élément de preuve etc. », détaille ainsi l'organisme.
Autre sujet en ligne de mire de la Cnam ? Le recours à la téléconsultation par les médecins. L'organisme prévoit ainsi de renforcer la surveillance « des professionnels de santé qui sont largement au–dessus du seuil des 20 % autorisés ». Les arrêts maladies dits « abusifs » prescrits notamment lors de téléconsultation ont également vocation à être traqués.
La Cnam estime qu'en 2021, « les arrêts de travail prescrits en téléconsultation par un médecin n’étant pas médecin traitant de l’assuré ont généré 95 millions d’euros de dépenses ».
...pour mieux sanctionner
Pour accroître son efficacité, la Cnam affirme sa volonté de « sanctionner systématiquement les fraudeurs ».
Cela passera notamment par la mobilisation de la voie pénale en cas de facturation d'actes fictifs, par des pénalités financières en cas de surfacturation ou non-respect de la nomenclature ou par la procédure ordinale en cas de pratiques dangereuses ou non déontologiques.
« Le recours plus régulier au déconventionnement des professionnels de santé qui ne respectent pas leurs engagements » est également une menace agitée par la Cnam.
Enfin, pour mieux lutter contre la fraude, l'Assurance maladie souhaite « accroître le niveau des sanctions prononcées ». Une des mesures du PLFSS visant à « majorer les pénalités financières (jusqu'à 300 % du préjudice subi voire 400 % en cas de fraude en bande organisée) en cas de pratiques frauduleuses » traduit d'ailleurs cette volonté.
Avec cette nouvelle stratégie, la Cnam ambitionne « 500 millions d'euros de résultats à l'horizon 2024 ». Depuis 2012, 2,2 milliards de préjudices financiers — dont 219 millions en 2021 —, ont été détectés et stoppés par l'organisme.
*En 2018, l'Assurance maladie a remboursé 6 milliards d'euros de soins de médecins généralistes.
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