Pouvez-vous vous présenter ?
Dr Béatrice Carton : Je suis médecin généraliste praticien hospitalier au centre hospitalier de Versailles, chef de service des unités en milieu pénitentiaire. J'interviens à la fois au centre pénitentiaire du bois d'Arcy, établissement pour les hommes ainsi qu'à la maison d'arrêt de Versailles, établissement pour femmes. Je suis par ailleurs présidente de l'association des professionnels de santé exerçant en prison (APSEP) depuis 2019. L'objectif de cette association est de rassembler les professionnels de santé qui exercent dans le milieu carcéral. C'est très important d'avoir une association de référence car ces professionnels sont par définition isolés de par la nature de leur profession. Le deuxième objectif de l'APSEP est de faire connaître, auprès des tutelles, la médecine en milieu pénitentiaire afin qu'elle se développe, qu'elle soit reconnue et que nous puissions faire des soins de qualité.
Comment êtes-vous devenue médecin de prison ?
Dr B.C. : Après avoir fini mes études de médecine en région parisienne, j'ai été assistante généraliste en service de médecine au centre hospitalier de Versailles. Je suis ensuite arrivée un peu par hasard au service médical hospitalier délocalisé en établissement pénitentiaire. À l’époque, cette pratique en milieu carcéral m'était assez inconnue. Dès que j'y suis rentrée, cela m'a tout de suite intéressée. Je m'y suis plu et j'y travaille depuis maintenant 20 ans.
Comment avez-vous vu évoluer les conditions de vie des détenus ces dernières années ?
Dr B.C. : Les problèmes de santé en milieu carcéral restent majeurs mais il y a une amélioration ces vingt cinq dernières années. Nous notons toutefois une augmentation des mesures sécuritaires depuis dix ans environ. Cela peut mettre en péril l'éthique du soin. Nous sommes par ailleurs confrontés à des problématiques de surpopulation au sein des prisons. Ces problèmes de surpopulation peuvent générer davantage de problèmes de santé parmi les détenus.
Et s'agissant des conditions de travail des professionnels de santé ?
Dr B.C. : Ces problèmes de surpopulation nous affectent aussi en tant que professionnel de santé. En effet, les financements de nos unités se calquent sur le nombre théorique de détenus au sein des établissements. Lorsqu'une maison d'arrêt à un taux de surpopulation de 150, 180 voire 200 %, les médecins sont amenés à voir deux fois plus de personnes. Pourtant, les moyens ne sont pas deux fois plus importants. S'agissant de la reconnaissance de notre rôle vis-à-vis de la justice, je dirais qu'il y a une amélioration notable depuis le début. Entre la fin des années 90 et les années 2000, lorsque nos unités ont été créées, il a fallu un petit peu « batailler » pour obtenir un minimum de considération dans les prisons. Mais au fur et à mesure, le monde de la santé a appris à connaître le monde de la justice et vice versa. Désormais, notre rôle est accepté et reconnu même s'il faut quand même toujours lutter pour que les problèmes de santé des détenus ne passent pas en second plan.
Avez-vous eu plus de difficultés à exercer pendant la crise sanitaire ?
Dr B.C. : Oui, mais finalement comme tous les soignants à cette époque-là. Nous avons fait face à une pandémie sans précédent. Celle-ci a bouleversé nos organisations. Mais effectivement la prison est par définition un lieu fermé, clos, dans lequel la surpopulation est importante. Cette période a donc évidemment été une source d'angoisse. Imaginer la possibilité de faire entrer un agent infectieux dans ce type de lieux est très inquiétant. Heureusement, les pouvoirs publics ont tout de même pris en compte la mesure du problème. Une loi, adoptée en mars 2020, a favorisé le départ de détenus qui étaient proches de leur date de sortie. Cela a permis de réduire les taux d'occupation de certains établissements. Cela nous a vraiment facilité la prise en charge des patients. Nous revenons toutefois progressivement à des taux d'occupation d'avant crise sanitaire. L'accalmie aura été de courte durée…
Quel message souhaiteriez-vous faire passer ?
Dr B. C. : Il ne faut jamais oublier que la santé des personnes détenues n'est pas négligeable quoiqu'ils aient fait. Si nous prenons en charge correctement la santé des détenus, ils apprendront eux-mêmes à prendre leur santé en charge. Si nous parvenons à faire cela, nous pourrons gagner à tous points de vue. D'un point de vue évidemment humain mais aussi d'un point de vue collectif car quelqu'un qui se respecte aura plus tendance à respecter les autres.
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