Ça y est ! La proposition de loi « visant à renforcer le droit à l'avortement », examinée en deuxième lecture, a été adoptée à l'Assemblée nationale mardi 30 novembre par 79 voix contre 36 et 8 abstentions, après des débats houleux. Elle avait été adoptée en octobre 2020 dans l'hémicycle avant d'être rejetée au Sénat.
Si le texte avait bénéficié du feu vert du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), la suite de son parcours législatif et son adoption définitive sous l'actuelle législature restent incertaines, puisqu’il n’est toujours pas inscrit à l’ordre du jour au Sénat.
Le gouvernement ne s'est pas prononcé, émettant seulement un « avis de sagesse » sur l'ensemble des dispositions du texte, sans engagement ferme de le faire examiner à nouveau au Sénat. Le ministre de la Santé Olivier Véran s'est toutefois dit favorable à titre personnel à l'extension du délai légal. Le président de la République Emmanuel Macron est de son côté assez hostile à cette proposition de loi.
Pas un sujet technique
Les adversaires de la mesure ont multiplié les interventions pour souligner, à l'instar de Fabien Di Filippo (LR), qu'avec la croissance du fœtus entre 12 et 14 semaines « l'acte d'IVG change de nature », avec « des conséquences gynécologiques qui peuvent être graves ».
Plusieurs députés de droite ont plaidé pour un meilleur accès des femmes à l'IVG dans le délai actuel, plutôt que sa prolongation. La co-rapporteure Albane Gaillot (non-inscrite, ex-LREM) a répondu que cette mesure n'était « pas une lubie de militante féministe » mais était inspirée par « des rencontres sur le terrain », plaidant que « le sujet n'est pas technique, le sujet c'est le droit des femmes à disposer de leur corps ».
Suppression du délai de 48 heures
Les députés ont également supprimé le délai de 48 heures entre l'entretien psycho-social et le recueil du consentement à une IVG, une disposition qui a provoqué de nouveaux affrontements. « Il n'y a pas d'atteinte à la liberté de choix. On ne supprime pas la possibilité de réflexion pour celles qui le souhaitent », a plaidé la co-rapporteure socialiste Marie-Noëlle Battistel.
À l’inverse, Philippe Gosselin (LR) a soutenu ce « délai de sérénité, ce temps de recul » et estimé qu'en le supprimant « on s'éloigne de l'esprit et de la lettre » de la loi Veil instituant le droit à l'avortement.
Les sages-femmes habilitées aux IVG chirurgicales
Une autre disposition adoptée permet l’extension de la compétence des sages-femmes, déjà autorisées à pratiquer des IVG médicamenteuses, aux IVG par voie chirurgicale.
Les opposants au texte ont néanmoins réussi à faire passer des amendements LR vidant de sa substance l'article 2 de la proposition de loi. Cet article aboutissait à faire disparaître la clause de conscience des médecins spécifique à l'IVG, tout en maintenant leur clause de conscience générale pour tout acte médical auquel ils sont opposés.
Cette clause de conscience spécifique à l'IVG « n'a pour seul impact que de stigmatiser » les femmes désireuses d'avorter, a estimé Annie Chapelier (groupe Agir, allié de la majorité).
Pas de suppression de la clause de conscience
Mais à droite Patrick Hetzel (LR) a développé que les deux clauses n'étaient pas identiques : réglementaire donc soumise au gouvernement pour la clause « générale », législative donc gravée dans la loi pour la clause « spécifique ». Ainsi, « la rayer d'un trait de plume est très inquiétant pour les libertés », a-t-il déclaré.
Cette suppression « est massivement contestée par la profession » et contribuerait à faire de l'IVG un « acte anodin », a estimé Emmanuelle Ménard (non inscrite, proche du RN).
Olivier Véran s'était lui-même montré réservé sur cette mesure : « il n'est pas exclu qu'il y ait une mauvaise interprétation de cette suppression (de la clause spécifique) qui puisse semer le trouble dans la communauté médicale », a-t-il dit.
(Avec AFP)
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