L'autoconservation ovocytaire (AO) médicale est indiquée en cas de menace pour la fertilité, liée soit à une pathologie soit à un traitement voire à l'insuffisance ovarienne prématurée (lire aussi p. XX). Actuellement, l'AO pour âge, dite non-médicale ou encore de convenance, n'est pas autorisée en France. Elle concerne les femmes qui n'ont pu avoir d'enfant à l'âge où leur fécondité est optimale et voient le temps passer sans avoir rencontré de futur partenaire possible.
Les limites entre le médical et le non-médical sont en réalité très floues : où classer la femme avec un taux d'AMH bas, qui n'a jamais essayé de concevoir, alors que l'on sait le peu de valeur pronostique de l'AMH en population générale ? Qu'en est-il de la femme qui repousse son désir d'enfant du fait d'une maladie de son conjoint, celle atteinte d'une discrète endométriose péritonéale, etc. ?
L'imaginaire associe l'AO aux femmes carriéristes, alors que les études récentes démontrent que celles qui y recourent le font majoritairement parce qu'elles sont seules et voient leur horloge biologique avancer ! Ce sujet a été le grand oublié des débats organisés en vue de la révision des lois de bioéthique. Le comité consultatif d'éthique (CCNE) a noté que seuls les professionnels en ont parlé.
Dès 2012, le CNGOF s'était déclaré favorable à l'AO pour âge, et en 2017 un sondage a confirmé que c'était la position de 77 % de ses membres. L'Académie de médecine s'est prononcée favorablement en 2017, et le CCNE, après un premier avis défavorable la même année, s'est prononcé pour en 2018. Le conseil d'État ne voit pas de contraintes juridiques empêchant l'AO. Le rapport de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques n'est pas défavorable, sous réserve d'encadrer la pratique.
La technique, dite aussi AGE banking (anticipated gamete exhaustion) a été acceptée par l'ESHRE (European society of human reproduction and embryology) en 2012, après un premier avis négatif en 2004. La Société canadienne de fertilité et d'andrologie vient d'élaborer des recommandations à ce sujet. Mais, chez nous, les femmes doivent toujours aller enrichir nos amis espagnols et belges !
Pourquoi tant de réticences en France ?
Il existe certes des arguments contre l'AO pour âge : la médicalisation de la procréation et la lutte contre la nature — mais que fait la médecine sinon lutter contre la nature, la maladie, la mort, la souffrance ? Sont aussi invoqués le risque d'inégalité sociale, les risques inhérents à l'AMP (d'ailleurs jamais cités dans les campagnes en faveur du don d'ovocyte… ils sont estimés, par Bodri en 2008, à moins de 1 % des ponctions), le coût, la non-garantie de succès, la pression possible des employeurs et surtout le risque d'encourager les grossesses tardives.
Toutefois, les arguments en faveur de l'AO pour âge sont encore plus nombreux : le recul de l'âge du désir d'enfant avec une chute inéluctable de la fertilité, l'échec des campagnes d'information sur ce sujet, l'autorisation de la vitrification ovocytaire dans la loi de 2011, la pénurie de don d'ovocyte, le respect de la liberté individuelle et de l'autonomie des femmes, l'égalité femme-homme. Notre ministre de la Santé y voit même une façon de lutter contre la chute de la natalité en France.
Âge limite, participation financière
La pratique pourrait être encadrée, pour éviter des dérives excessives. Le CNGOF a proposé un âge limite pour reprendre ses ovocytes : idéal avant 45 ans, mais possible jusqu'à 50 ans, si la femme en bonne santé est avertie des risques pour elle et pour son enfant.
Concernant les arguments du coût et de la non-garantie de succès, on estime actuellement que, pour 10 ovocytes vitrifiés avant 35 ans, la probabilité de naissance est de 60 %, contre 29 % après 36 ans (Cobo, 2016). Plusieurs études économiques ont montré qu'il revenait moins cher de vitrifier ses ovocytes à 35 ans et de les utiliser à 40 ans, plutôt que de faire une FIV à 40 ans avec ses ovocytes d'alors et seulement 10 % de naissances (données ABM, 2018). On pourrait imaginer un système où la conservation serait payante, partiellement ou totalement, et la FIV ultérieure prise en charge.
Par souci d'égalité, l'AO doit être accessible à toutes les femmes mais soulignons que toutes n'y auront pas recours. D'après l'Ined, près de 80 % sont mères avant 35 ans.
exergue : Il revient moins cher de vitrifier ses ovocytes à 35 ans et de les utiliser à 40 ans plutôt que de faire une FIV directement à 40 ans
Saint-Cloud
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