« Notre pays est obèse de sa bureaucratie. Pendant des années, nous avons essayé les régimes minceur et la médecine douce. Il nous faut désormais passer à une étape supérieure », a annoncé le ministre de l'Action publique, de la fonction publique et de la simplification, Laurent Marcangeli.
Grand ménage nécessaire dans le millefeuille administratif français ? Ou coupes brutales ? Le message de régime minceur a en tout cas été reçu cinq sur cinq par les députés, réunis en commission spéciale depuis lundi sur le projet de loi de simplification de la vie économique. Ces derniers ont voté pour la suppression d’une dizaine d’agences étatiques, dont certaines dans la santé, sans oublier de jeter aux oubliettes une pléiade de commissions et comités souvent consultatifs. Le gouvernement, qui a largement amendé le texte, a souhaité recadrer les débats en basant ses choix sur trois critères : la redondance avec d’autres services ou organismes ; l’activité effective de la commission ; et l’impact de la suppression sur la lisibilité de l’action publique.
Comité Théodule
La députée Anne-Laure Blin (DR, Maine-et-Loire) a fait voter la suppression du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie (Hcaam, présidé aujourd’hui par Yann-Gaël Amghar), instance qualifiée de « comité Théodule » et constituant selon ses détracteurs un doublon avec le Conseil stratégique de l’innovation en santé qui dispose déjà de compétences élargies au système de santé dont l’Assurance-maladie. Existant depuis 2003, cette instance a pourtant produit divers travaux remarqués, notamment sur la Grande Sécu ou l’activité des généralistes.
Les Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser), critiqués pour leur coût élevé, ont aussi été enterrés. Études, débats : ils jouent un rôle consultatif auprès des régions et sont composés de 100 à 190 membres, lesquels produisent une vingtaine de rapports par an (budget régional, contrat de plan État-région, etc.). Cette suppression permettrait d’économiser 50 à 60 millions d’euros pour l’ensemble des régions, évalue le député Philippe Juvin (DR).
Réunions rares
La conférence de prévention étudiante, chargée de promouvoir les comportements favorables à la santé des étudiants a elle aussi été rayée d’un trait de plume, car elle chevaucherait les compétences de la Haute Autorité de santé (HAS) et des agences régionales de santé (ARS), toujours selon Anne-Laure Blin (DR), qui parle une fois encore de « doublon administratif ». Le gouvernement rapporte que cette conférence s’est réunie seulement trois fois depuis sa création en 2018 et plus jamais depuis 2021 – malgré l’obligation de séance annuelle…
Il en est de même pour la commission des « conseillers en génétique », composée de 170 personnes, saisis d’une vingtaine de demandes par an. En 2024, rapporte le gouvernement dans l’exposé des motifs, la commission ne s’est réunie qu’une seule fois, en format dématérialisé, pour trancher l’intégralité des dossiers.
Exit aussi la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement (CNDASPE) créée en 2013, supprimée par les élus pour « simplifier la lisibilité institutionnelle et faciliter l’accès des lanceurs d’alertes à l’instance compétente dans un processus maintenant en place qui leur accorde une protection ». C’est le cas également du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA).
La HAS et l’ANDPC dans le viseur ?
Mais des agences beaucoup plus connues n’ont pas été épargnées par ces assauts simplificateurs. La députée Anne-Laure Blin (DR), toujours elle, a proposé de supprimer la Haute Autorité de Santé (HAS), « au regard de son statut de doublon administratif avec Santé Publique France ». Sans succès pour l’instant, puisque son amendement a été rejeté. Même sort négatif pour les divers amendements de suppression de la conférence nationale de santé (CNS), organisme consultatif placé auprès du ministère de la Santé, ou du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), déposés pour les mêmes raisons de gaspillage supposé.
Ce n’est pas tout. L’Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC), également ciblée, a pour l’instant été sauvée car les amendements de suppression de l’obligation de DPC ont été jugés irrecevables. Mais ceux-ci pourraient revenir sous une autre forme, lors de l’examen en séance publique, à partir du 8 avril. Très inquiets, les personnels de l’agence ont exprimé « leur consternation et leur colère » devant la menace qui pèse sur les « 40 000 emplois » liés à la formation. Ils déposent cette semaine un préavis de grève. « Le contexte national de bashing contre les agences publiques conduit certains responsables politiques à des choix brutaux, irréfléchis et nocifs pour la qualité de la formation des soignants au service des usagers », expliquent certains personnels de l’agence du DPC dans un communiqué signé par la CGT. Pointée du doigt par un récent rapport de l’Igas qui réclamait sa suppression, l’agence pilote du DPC avait auparavant été très critiquée par la Cour des comptes en 2019. Cela fait sans doute beaucoup pour la même agence.
L’examen du texte en commission continuera toute cette semaine, avant le passage en séance publique à partir du 8 avril. L’occasion de refaire le tri dans le millefeuille administratif ?
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