Au moins 75 % des personnes à risque de forme grave de grippe devraient être vaccinées. S’il y a eu un élan vaccinal après la pandémie de Covid en 2021, la couverture vaccinale (CV) reste insuffisante, selon le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire de Santé publique France (SPF), qui cherche à en comprendre les raisons.
Les chercheurs se sont appuyés sur les données du baromètre de SPF de 2021, soit 6 212 personnes âgées de 65 à 85 ans dans l’Hexagone et 1 156 en Outre-mer. Avec plus de 65 % de CV, la saison 2020-2021 se situe dans la fourchette haute du taux de vaccination, avant de baisser autour de 56 % entre 2021 et 2023, voire 54 %, selon les données du système national des données de santé (SNDS). La CV française est comparable à celles d’autres pays européens en 2021, comme l’Italie ou la Norvège (plus de 65 %), l’Espagne (68 %), la Suède ou les Pays-Bas (autour de 60 %). Seulement le Portugal, l’Irlande, la Canada, les États-Unis (70 %) ou le Danemark (74 %) se rapprochent de l’objectif des 75 % et un pays, la Grande-Bretagne, le dépasse (81 %).
Inégalités sociales et territoriales
Parmi les déterminants qui jouent en faveur de la vaccination, dans l’Hexagone, figure l’âge, avec des taux de CV qui dépassent les 73 % pour les 75-85 ans (versus 55,4 % pour les 65-69 ans). Sans atteindre l’objectif de 75 %, ils sont aussi plus élevés chez les personnes présentant une maladie chronique induisant un surrisque de forme grave de la grippe (71,1 % versus 57,8 % chez les seniors non chroniques).
Les hommes sont davantage vaccinés que les femmes (67,9 % versus 62,8 %), ce qui n’est pas observé pour d’autres valences vaccinales, ainsi que les personnes vivant en couple (68,3 % versus 59,7 %).
Les habitants de villes denses sont eux aussi mieux protégés (plus de 69 % versus 62 % en milieu rural), ce qui peut s’expliquer par une meilleure sensibilisation à la vaccination dans un contexte d’interactions sociales plus nombreuses, par une position altruiste (volonté d’éviter la transmission aux proches) ou encore par une offre de soins plus accessible.
La CV dépasse les 71 % chez les personnes les plus diplômées et aux revenus les plus élevés (versus 64 % pour les personnes avec un niveau bac et 60,8 % pour les revenus les plus bas). Un constat semblable se retrouve pour d’autres vaccinations, contre les HPV, la grippe chez les femmes enceintes, la coqueluche, etc., soulignent les auteurs. Idem parmi les soignants : « Les médecins et pharmaciens sont significativement mieux vaccinés contre la grippe que les infirmières ou les aides-soignants », lit-on.
Une prétendue inutilité du vaccin avancée pour ne pas se vacciner
Quelles sont les raisons pour lesquelles ne pas se vacciner ? À plus de 40 %, les non-vaccinés citent l’inutilité perçue du vaccin et la peur des effets indésirables pour 13,5 %. Près de 10 % ne perçoivent pas l’intérêt de ce vaccin et près de 6 % y sont opposés. C’est notamment le cas en Outre-mer où la CV plafonnait à moins de 40 % en 2021 chez les plus de 65 ans. Aux Antilles, près de 20 % des non-vaccinés ne se sentent pas concernés par cette vaccination et près de 10 % pensent que la grippe n’est pas fréquente, alors qu’elle y circule également.
En conclusion, SPF plaide en faveur de campagnes vaccinales adaptées aux différentes populations et d’actions d’aller vers, à l’adresse des plus défavorisés. Si les auteurs espèrent que l’extension des compétences vaccinales aux infirmiers, pharmaciens et sages-femmes puisse simplifier le parcours de vaccination des usagers, ils suggèrent de tester la méthode de l’entretien motivationnel auprès des jeunes seniors.
L’Ordre sonne le rappel
Alors que le pic épidémique se profile, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) rappelle, ce 28 janvier, « la nécessité de renforcer une politique vaccinale ambitieuse et coordonnée » et « regrette une déresponsabilisation progressive des citoyens, ainsi qu’un manque de culture vaccinale en France ». « Les conséquences sur les hôpitaux deviennent alarmantes : des services surchargés, des complications évitables et une pression croissante sur le système de santé », insiste le Cnom. L’Académie de médecine s’était, elle aussi, émue la semaine dernière d’un devoir de prévention négligé.
L’Ordre critique la stratégie des pouvoirs publics. « Si la multiplication des acteurs habilités à vacciner peut répondre à certaines contraintes pratiques, elle ne répond pas au problème de fond : un manque de coordination entre les vaccinateurs et une campagne vaccinale trop timide depuis le 15 octobre. » « C’est par une pédagogie renforcée, une sensibilisation accrue et le rôle pivot du médecin traitant dans le parcours vaccinal que l’on pourra recréer un lien de confiance et de responsabilité, plus que jamais nécessaire », conclut l’institution.
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