Dans « Le scandale des soignants contaminés, dans les coulisses d’une sale guerre » (Flammarion, 19 euros), sorti ce mercredi, le Dr Jérôme Marty, médiatique président de l’Union française pour une médecine libre – syndicat (UFML-S) se fait l’implacable procureur de la gestion de la crise du coronavirus par les autorités.
Le généraliste de Fronton (Haute-Garonne) dresse la liste des erreurs et incohérences du gouvernement et accuse l’État français, qui n’a pas su équiper les médecins en masques, d’être responsable du lourd tribut payé par la profession au Covid-19.
Quand avez-vous décidé d’écrire ce livre, et pourquoi ?
Dr Jérôme Marty : J’ai accepté la proposition de Flammarion car j’ai ressenti le besoin de montrer aux gens ce que la médecine avait vécu, et notamment la médecine de ville, qui a été la grande oubliée de cette crise. J’ai proposé de publier des témoignages de soignants pour solidifier le récit, ayant été très sollicité depuis le début de l’épidémie par des infirmières, des aides-soignants, des orthophonistes qui souhaitaient partager leur vécu.
Le titre de votre ouvrage fait référence au scandale du sang contaminé, pourquoi ?
Dr J. M. : Dès les premiers jours de l’épidémie, j’ai été contacté par des confrères qui vivaient la montée de l’épidémie dans l’est du pays et nous alertaient sur l’absence de protections. Un soir, à quelques minutes d’intervalle, j’ai eu des échanges avec deux familles de médecins décédés. Elles m’ont toutes deux fait le même récit : ces deux confrères consultaient face à des dizaines de patients Covid. Quand ils allaient à la pharmacie, ils ne pouvaient pas avoir de masque. L’Etat a été incapable de protéger les médecins.
Ce livre est un réquisitoire contre l’échec organisé. Il y a eu une construction presque réfléchie de l’échec, avec cette fameuse doctrine selon laquelle le masque était inutile, qui reposait davantage sur le manque d’équipement que sur les faits scientifiques. Ce n’est pas acceptable.
Quelles sont les fautes de l’État ?
Dr J. M. : Nous avons dit dès le début qu’il y avait une forme d’aérosolisation et qu’il fallait impérativement qu’on ait des masques FFP2. L’État est responsable d’avoir nié l’aérosolisation du virus ainsi que le risque pour les soignants. C’est un scandale. Pendant longtemps, il a affirmé qu’il n’y avait une aérosolisation que pour les gestes invasifs. L’État n’a pas pris soin de « ceux qui prennent soin ». C’est pour cela qu’avec deux familles de médecins décédés, nous avons déposé plainte contre l’État pour défaut de protection, auprès de la Cour de justice de la République.
Au total, une cinquantaine de médecins libéraux seraient décédés du Covid…
Dr J. M. : Les conséquences ont été dramatiques. Outre les décès, il y a eu des séquelles pour les soignants qui ont été hospitalisés dans les services de réanimation. Il y a également les séquelles psychologiques. De nombreux personnels ont été contaminés, notamment ceux des Ehpad. Ils ont ensuite contaminé les résidents et créé des clusters. Certains ont vécu d’un coup quinze, vingt voire trente décès en l’espace de deux semaines et s’en sentent responsables. S’ils avaient été armés, ils n’auraient pas ce sentiment de culpabilité…
Vous dénoncez l’absence de registre de médecins contaminés.
Dr J. M. : Oui, le scandale réside également dans l’opacité et l’omerta autour de la contamination des professionnels de santé. Il ne faut pas oublier qu’on n’a jamais eu le chiffre des soignants contaminés. Le directeur général de la santé, le Pr Salomon, comme le ministère de la Santé, s’est refusé à tenir un registre, arguant que nous n’étions pas différents d’autres professions et que d’ailleurs les médecins eux-mêmes ne voulaient pas qu’on le fasse.
Vous formulez de nombreuses critiques contre l’État, mais lui trouvez-vous des circonstances atténuantes ?
Dr J. M. : Depuis le début de l’épidémie, l’État écoute davantage ce que dit le terrain. À chaque fois que nous avons signé des tribunes, notamment concernant le port du masque, l’État est allé dans notre sens. Mais cela n’efface pas le passé, ni les erreurs. Le but de ce livre est de plonger le regard là où ça fait mal, de mettre les mains dans la plaie pour ensuite mieux soigner et ne pas réitérer les mêmes erreurs.
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