Agnès Buzyn est une femme compétente, hématologue brillante qui par ailleurs nous a soutenus lors du lancement du Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire. Je ne mets pas en cause son engagement en faveur de la Sécurité sociale. Elle arrive toutefois dans un gouvernement où elle est appelée à servir de jambe gauche à un gouvernement qui marche surtout sur sa jambe droite. C’est la quadrature du cercle. On lui demande d’assumer un PLFSS qui doit d’abord apporter son écot à la réduction des déficits publics. En même temps, elle doit manifester une sensibilité de gauche tout en gérant des dossiers comme le tiers payant, qui vient d’être abandonné face à l’opposition des médecins libéraux. Entre l’impératif budgétaire et les contraintes politiques, la ligne de crête est étroite. J’ai apprécié son intervention récente sur l’hôpital entreprise. Elle a, semble-t-il, épousé la critique que nous avons portée avec André Grimaldi et d’autres sur l’absurdité de cette tarification à l’activité, du conflit d’intérêts qu’introduit la T2A entre la Sécurité sociale, le payeur et de l’autre côté les hôpitaux qui pour générer du rendement doivent maximiser leur activité. Déjà le simple fait de remettre en cause par le discours cette espèce de doxa gestionnaire qui a traversé depuis 2004 tout le système de santé français, en tout cas à l’hôpital, me paraît salutaire. Mais je n’omets pas le fait qu’elle exige dans le cadre du PLFSS de sérieux efforts à un hôpital déjà sous tension sinon à l’os. Agnès Buzyn est là dans une contradiction inhérente à ce gouvernement. Les demandes de Bruxelles pèsent comme un fardeau sur ses épaules de ministre de la Santé. Pour réaliser quatre milliards d’économies, l’hôpital est désormais en première ligne. Ce n’est pas une forme de schizophrénie. La vraie Agnès Buzyn est plutôt en phase avec les thèses du Mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP). Elle est de plus sensible à la souffrance au travail. Mais la main droite de l’État lui demande de réaliser à court terme des économies. Certains présupposés sont de plus aberrants. Lorsque la ministre évoque le virage ambulatoire pour réaliser des économies, c’est tout simplement absurde. Il faudrait plutôt parler de virage hospitalier du fait de la désorganisation de la médecine de ville. D’où un transfert d’activité de la ville à l’hôpital.
Enfin, réformer le système de santé nécessite des investissements. L’hôpital est exsangue. Les personnels n’en peuvent plus. Or il n’y a pas d’investissements. C’est toujours difficile de faire de la météo sociale, mais l’atmosphère y est lourde. Tout est réuni pour l’éclosion de manifestations à l’hôpital sous tension.
À la fin, mon critère principal d’évaluation pour juger de l’action d’Agnès Buzyn reposera sur la réduction de la part de la T2A dans le financement des hôpitaux. Actuellement, on est en train de l’étendre à des secteurs qui n’y étaient pas soumis comme les soins de suite et de réadaptation. À ce jour, je ne doute pas de ses convictions profondes. Mais j’attends des réalisations concrètes, pas des belles déclarations d’intention.
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