François Bayrou nommé Premier ministre, ce qu’il a dit sur la santé

Par
Publié le 13/12/2024

Emmanuel Macron a choisi pour Matignon le fondateur du MoDem, François Bayrou, régulièrement pressenti. Reste au nouveau Premier ministre la charge de former un gouvernement. Geneviève Darrieussecq, élue MoDem, sera-t-elle maintenue à Ségur ? En attendant, Le Quotidien revient sur les prises de position de François Bayrou sur la santé, les médecins ou la dette.

Crédit photo : Quentin TOP/SIPA

Emmanuel Macron a donc arrêté son choix sur François Bayrou. L’actuel maire de Pau (Pyrénées-Atlantiques) et président fondateur du Mouvement Démocrate (MoDem) se disait modestement « prêt à aider », tandis que son nom circule pour Matignon à chaque remaniement, ou presque.

Allié à Emmanuel Macron dès février 2017, le centriste de 73 ans présente sans doute l’avantage de n’être une ligne rouge pour personne. Par exemple, en tant que maire, il n’avait pas hésité à apporter son parrainage à la candidature de Marine Le Pen (RN) pour la présidentielle de 2022, pour « sauver la démocratie » et assurer la représentation des différentes opinions. A l’inverse, en 2012, François Bayrou, qui vient des rangs de la droite française – passé par le Centre des démocrates sociaux (CDS) et l'Union pour la démocratie française (UDF) – avait annoncé qu’il voterait pour le socialiste François Hollande face à Nicolas Sarkozy. Un positionnement capable de lui éviter la censure ?

Trois fois candidat à la présidentielle

Vieux routier de la politique française, François Bayrou a été élu, à 30 ans, conseiller général des Pyrénées-Atlantiques en 1982, avant de devenir député quatre ans plus tard. En 1993, il est nommé ministre de l’Éducation nationale par Édouard Balladur, poste qu’il occupera pendant plus de quatre années, maintenu par Alain Juppé.

En 1999, il mène la liste centriste aux élections européennes et fait élire neuf députés. Candidat à trois élections présidentielles, il réalise 6,8 % en 2002, puis frôlera le second tour en 2007 avec 18,6 % des suffrages et une honorable troisième place. En 2012, à nouveau postulant, il obtient 9,1 % des suffrages.

Nommé ministre de la Justice par Emmanuel Macron dans la foulée de son élection en 2017, il est à l’initiative de la loi pour la confiance dans la vie publique. Mais il doit se mettre en retrait quelques mois plus tard, en raison de l’affaire des assistants parlementaires du MoDem au Parlement européen. Le professeur agrégé de lettres classiques a été relaxé dans cette affaire – même si le parquet a fait appel en février 2024 de cette décision, expliquant que « les faits caractérisent les infractions reprochées et que les preuves de ces délits sont réunies contre tous les prévenus ».

Défenseur de l’augmentation du C, attentif au poids de la dette

Sur les questions de santé, il s’est souvent exprimé pour la décentralisation des politiques, la revalorisation des professions médicales et la responsabilisation des patients. Et il a souvent mis au centre des débats le poids de la dette sociale, un « fardeau » pour les générations futures.

L’an passé, alors qu’il était Haut-commissaire au Plan, François Bayrou avait expliqué sur le plateau du Grand Jury RTL/LCI/Le Figaro qu’il n’avait « jamais été partisan d'un accès à la santé totalement gratuit ». Il plaidait même pour une « une petite participation » supplémentaire (tarif, remboursement, franchise ?) des assurés « qui le peuvent » en matière d'accès aux soins, geste qui selon lui « permettrait de régler la question du prix de la consultation » L’ancien candidat à la présidentielle s’était également montré favorable à l’augmentation du C. « On est avec un prix de la consultation qui est ridicule », avait-il expliqué, faisant un comparatif « entre le médecin et le plombier » ou « entre le médecin et le coiffeur ». « Je trouve qu'il y a là quelque chose qui n'est pas normal », avait-il également insisté.

À ce même poste, François Bayrou avait participé au déploiement du Conseil national de la refondation (CNR), dont le volet santé a permis d’octobre 2022 à juillet 2023 d’organiser 472 réunions, avec plus de 18 000 participants, pour aboutir à quelque 250 projets et 30 millions d’euros investis par les agences régionales de santé (ARS). Mais le très attendu versant sur la santé mentale avait été annulé au printemps 2024, en raison de la période de réserve avant les élections législatives. Le Haut-commissariat au Plan avait toutefois publié une note stratégique sur le sujet en octobre.

Les premières réactions du secteur n’ont pas témoigné d’hostilité, mais la volonté de juger sur pièces. Le Syndicat des médecins libéraux (SML) a félicité François Bayrou pour sa nomination à Matignon, se souvenant de son « soutien à la revalorisation des professions médicales et à la responsabilisation des patients ». Côté établissements de santé, les cinq grandes fédérations hospitalières (FHF, FHP, Unicancer, Fehap, Fnehad), représentant les secteurs public, associatif et privé, l’ont invité à placer la santé tout en haut des priorités. « Cela doit se concrétiser d’emblée par le vote d’un PLFSS avant fin janvier (budget de la Sécurité sociale) et d’un Ondam (objectif national de dépenses maladie) garantissant aux établissements de santé le juste financement de leurs coûts », plaident les fédérations qui réclament une hausse de l’enveloppe des établissements de santé à hauteur de +3,1 % (hors augmentation des cotisations CNRACL).

Darrieussecq maintenue ?

Reste à savoir si la nomination de ce centriste historique à Matignon aboutira à maintenir en poste l’actuelle ministre la Santé, Geneviève Darrieussecq, issue du même parti et, qui fut sa référente santé lors de l’élection présidentielle 2012. À cette époque, le candidat Bayrou précisait avoir « beaucoup de médecins » dans sa famille et expliquait déjà que « le monde médical éprouve un sentiment de manque de reconnaissance ».

En 2012 déjà, dans un entretien au Quotidien, il définissait le déficit de l’Assurance-maladie comme « insupportable ». Pour faire des économies, il évoquait, prémonitoire, « l’installation en amont des urgences d’un “sas” organisé avec les libéraux pour distinguer entre l’urgent et ce qui relève de la médecine de ville ». Il ne faisait pas mystère non plus de son exaspération au sujet des atermoiements du DMP. « Qu’en huit ans, on n’ait pas été capable de le mettre en place est invraisemblable ! », avait-il lancé, appelant à utiliser des clefs USB pour économiser 3 milliards d’euros…

Défenseur de la liberté d’installation des médecins libéraux, il l’avait même qualifiée de « droit inaliénable ». Il avait en revanche suggéré de repêcher les étudiants en médecine « recalés de peu, sous condition qu’ils donnent quelques années d’engagement, sept ou huit ans, dans les zones déficitaires à l’issue de leur formation ». Carotte et bâton…

Plus tôt encore, en 2002, il avait dénoncé dans nos colonnes le numerus clausus, conçu pour « punir les médecins lorsque le coût de la santé augmentait ». Il se disait à l’époque fermement « opposé à la privatisation de la Sécurité sociale ».

Les parlementaires MoDem, experts de la santé

Dans ses bagages, François Bayrou pourrait promouvoir des personnalités issues des rangs du MoDem. Parmi eux se trouvent des experts de la santé, comme les députés Cyrille Isaac-Sibille (Rhône), spécialiste ORL, Philippe Vigier (Eure-et-Loir), Nicolas Turquois (Vienne) ou encore Olivier Falorni (Charente-Maritime), à l’origine du projet de loi sur la fin de vie. Avocat d’un plan pluriannuel pour la santé,

Jean-Carles Grelier (Sarthe), autre grand spécialiste des questions de santé, a lui rejoint le groupe parlementaire après les dernières élections législatives.


Source : lequotidiendumedecin.fr