Pouvez-vous vous présenter ?
Dr F. : Je travaille en tant que chef d'équipe clinique, pour l’organisation Médecins sans frontières (MSF), au grand hôpital provincial de Boost à Lashkar Gah. Nous veillons à assurer la qualité des soins cliniques mais aussi à réduire la mortalité dans la province. L’hôpital de Lashkar Gah est soutenu depuis 2009 par MSF. Avant 2009, cet hôpital comptait seulement 150 lits. Faute de moyens, il fonctionnait très mal et ne répondait pas suffisamment aux besoins de la population. Aujourd'hui, l'hôpital compte 300 lits officiels mais plus de 300 patients y sont admis. Nous disposons de différents services, dont un service d'urgence ouvert 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, un service pédiatrique et un centre d'alimentation thérapeutique pour patients hospitalisés, une unité de soins intensifs pédiatriques et néonatals, une maternité, un service de chirurgie et un service médical.
Comment la situation sanitaire a-t-elle changé depuis la prise de pouvoir par les Talibans ?
Dr F. : Pendant les combats, la plupart des routes qui reliaient les quartiers de la ville à l'hôpital de Lashkar Gah ont été fermées, empêchant les patients d’y accéder facilement. Il y a bien des cliniques dans certains quartiers de la ville mais elles fonctionnent mal et ne peuvent prendre en charge que des patients dont l'état clinique est stable. Finalement ces cliniques n’ont pas pu répondre à l’ensemble des besoins de la population. Certains patients, parfois dans un état critique, ont été obligés de traverser la ligne de front pour accéder au grand hôpital de Lashkar Gah. Lorsqu’ils arrivaient, il était parfois trop tard… Nous avons également pris en charge quelques combattants, mais aujourd'hui, étant donné que les combats ont cessé, nous ne recevons plus de blessés de guerre. Avec l’arrivée au pouvoir des talibans, la communauté internationale, et en particulier la Banque mondiale, a décidé de cesser son soutien financier. Les soignants ont fini par quitter les cliniques car ils n’ont pas été payés pendant plusieurs mois et parce qu’ils n’ont plus bénéficié du matériel nécessaire pour prendre en charge les patients. Les cliniques de la ville se sont quasiment toutes effondrées. Dans notre service d'urgence de l'hôpital de Lashkar Gah, nous faisons donc face à un afflux de patients considérable, jusqu’à 800 par jour.
Quelles difficultés rencontrez-vous dans l'exercice de votre profession ?
Dr F. : Nous avons la chance que l'hôpital de Lashkar Gah soit soutenu par MSF. Nous sommes en effet financés par des fonds privés et nous avons suffisamment de matériel médical pour travailler. Nous sommes confrontés tous les jours à l'augmentation du volume de patients. Nous avons obtenu l'accord de l’autorité sanitaire de l’État islamique pour poursuivre nos activités à l'hôpital. En revanche, d’un point de vue général, le pays va très mal. Nous traversons une crise économique sans précédent. Les afghans ne peuvent pas se permettre d'aller se faire soigner dans des hôpitaux privés et n'ont pas accès aux ressources de base telles que la nourriture. Le niveau de malnutrition aiguë sévère a augmenté dans la population. D'ailleurs, nous constatons un plus grand nombre d'enfants souffrant de malnutrition sévère. Les cliniques ne fonctionnant plus, les services de vaccination sont également limités. À l'avenir, nous nous attendons à des épidémies de maladies comme la rougeole. Des maladies pourtant évitables avec la vaccination…
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