Deux généralistes dans la course pour présider l’Ordre des médecins, dont une femme

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Publié le 18/06/2025
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Le 25 juin 2025, les conseillers nationaux de l’Ordre éliront leur nouveau président pour succéder à l’ORL François Arnault, après un mandat de trois ans. Deux médecins généralistes, la Dr Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi et le Pr Stéphane Oustric, sont en lice. Cette élection se déroule dans un contexte crucial, alors que l’Ordre est confronté à des bouleversements sociétaux, à une crise majeure de l’accès aux soins et à la nécessité d’adapter sa propre gouvernance.

Élu il y a trois ans à la tête du Cnom, le Dr François Arnault ne brigue pas de nouveau mandat

Élu il y a trois ans à la tête du Cnom, le Dr François Arnault ne brigue pas de nouveau mandat
Crédit photo : Cnom

Si les élections internes à l’Ordre se font discrètes, le contexte leur donne une résonance particulière. D’abord par la nature des candidatures en lice : deux personnalités ordinales bien identifiées se sont déclarées pour présider l’institution, en remplacement du Dr François Arnault, atteint par la limite d’âge.

Première femme à briguer ce poste prestigieux, la Dr Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi, 63 ans, est médecin généraliste à Clermont-Ferrand, vice-présidente de l’instance nationale et référente institutionnelle sur les questions d’éthique et de protection. Engagée notamment pour une plus forte implication des praticiens contre les violences intrafamiliales, elle s’était exprimée dans nos colonnes en 2023 pour sécuriser les signalements de violence réalisés par les confrères.

Face à elle, le Pr Stéphane Oustric, 58 ans, professeur de médecine générale à Toulouse, est délégué aux données de santé et au numérique au sein du Cnom et ex-président du conseil départemental de Haute-Garonne. Dans nos colonnes également, il expliquait en début d’année les enjeux du think tank sur l’intelligence artificielle lancé par l’institution ordinale, à l’heure où l’IA percute la profession.

Différences et convergences

Si elle l’emporte, la Dr Glaviano-Ceccaldi deviendrait la première femme à la tête de l’Ordre national des médecins, un signal fort et une reconnaissance dans une profession médicale désormais paritaire côté effectifs, mais où les instances et les structures restent souvent marquées par un fonctionnement masculin et vertical.

Sur le fond, selon plusieurs conseillers nationaux interrogés par Le Quotidien, ces deux personnalités incarnent davantage deux styles de gouvernance que des visions radicalement opposées pour la profession. Leurs orientations convergent sur les priorités de l’Ordre : amélioration de l’accès aux soins sans coercition, responsabilité territoriale partagée par l’ensemble des acteurs de soins dans les bassins de vie – et non uniquement par les libéraux – adaptation des parcours de soins en respectant les métiers et coordination interpro apaisée.

Mais ce scrutin intervient alors que la profession est confrontée à des défis majeurs liés aux offensives parlementaires de régulation à l’installation, aux revendications des non-médecins en matière d’autonomie et d’accès direct ou encore aux violences contre les soignants, qui ont atteint un niveau historique. Plus largement, c’est le rôle même du médecin qui est questionné, dans un système où la coordination intra et interprofessionnelle n’est plus une option. « Nous devons sortir définitivement de la logique des silos entre spécialités et entre professions et encourager les passerelles. Le médecin de demain doit évoluer autrement sans pour autant repartir de zéro », résume un conseiller engagé sur la formation.

Leadership protecteur

Quel profil pour présider aux destinées ordinales ? La Dr Glaviano-Ceccaldi, forte de son engagement contre les violences faites aux femmes et sur le plan déontologique, apporte « un leadership éthique et protecteur », juge un élu, un positionnement qui serait en « rupture douce » avec une logique plus gestionnaire. Son élection permettrait à l’Ordre de renouer avec une image « plus humaine et accessible », souligne un autre, au moment où l’institution cherche à retrouver toute sa place dans le débat public. Selon certains conseillers, la généraliste saurait incarner la volonté d’ancrer l’institution dans les mutations sociétales, notamment dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, où l’Ordre affiche désormais une « tolérance zéro », à l‘initiative forte du président actuel. Préserver la relation médecin-patient comme fondement de la pratique, défendre la dignité du soin et rappeler aussi le rôle social du médecin : la Dr Glaviano-Ceccaldi s’inscrit dans « une continuité institutionnelle, protectrice du socle déontologique », résume un troisième conseiller national.

Quant au Pr Stéphane Oustric, il est « à la fois pragmatique et réformateur », certifie un autre élu, qui salue ces qualités. En clair, il ne s’opposerait pas frontalement aux évolutions en cours (transferts de tâches, accès direct aux IPA par exemple) mais dans un cadre clair où le médecin conserve la responsabilité et la coordination du parcours.

Grâce à son profil universitaire et d’élu local bien ancré sur son territoire, le généraliste apporterait à l’Ordre une « crédibilité renforcée », juge ce très bon connaisseur des arcanes ordinaux, notamment dans les débats difficiles avec le ministère pour faire avancer des dossiers sensibles comme la réforme de la 4e année et la prise en compte de l’IA dans l’exercice. Il pourrait aussi mieux repositionner le Cnom dans certains débats socio-professionnels, à côté des syndicats, des URPS ou de l’Académie.

Aide à mourir, évolution du code…

Le futur président devra en tout cas s’attaquer aux chantiers freinés par l’instabilité politique, en commençant par la modification du code de déontologie médicale. Quelque 65 articles ont fait l’objet d’une demande d’évolution dont celui sur l’exercice en lieux multiples. Les propositions visant à introduire davantage de plasticité dans les carrières (passerelles entre spécialités proches, par exemple) peinent à se concrétiser.

Autres sujets brûlants : les deux propositions de loi – l’une renforçant l’accès aux soins palliatifs, l’autre consacrant un droit à l’aide à mourir – votées en première lecture par l’Assemblée nationale, mais pas encore examinées au Sénat. L’Ordre suivra de près le contenu des débats, en particulier sur la collégialité, la clause de conscience ou les critères d’éligibilité médicale, sans renier sa ligne éthique. « L’Ordre doit rester garant de la déontologie, mais il ne peut plus ignorer les réalités de terrain », synthétise un élu.

Gouvernance à moderniser

Enfin, l’Ordre doit accélérer la réforme de son fonctionnement et de sa gouvernance interne tout en restant fidèle à sa mission déontologique. L’institution a été placée face à ses responsabilités dans l’affaire Le Scouarnec, du nom du chirurgien pédophile condamné à 20 ans de réclusion criminelle pour des viols et agressions sexuelles sur 299 victimes. Au cours du procès, le Cnom a « regretté » les « dysfonctionnements » ayant permis au chirurgien de poursuivre sa carrière pendant plus d’une décennie après une première condamnation pour pédocriminalité en 2005.

Pour le vote du 25 juin qui élira le bureau et son président (les conseillers nationaux renouvelables sont, eux, élus ce 19 juin), « le style de gouvernance et la capacité à faire consensus seront décisifs » insiste un conseiller national de longue date. En cas d’égalité, le candidat le plus âgé l’emportera.

Si cette campagne a évité les déclarations publiques tonitruantes ou les règlements de comptes, les soutiens des deux prétendants s’activent en coulisses. Des conseillers racontent une « campagne discrète, feutrée », où les échanges se font « en aparté », « au téléphone ». « C’est une élection à l’ancienne, où les alliances se nouent souvent autour de questions de méthode plus que de ligne politique », décrypte un conseiller.

Contacté par Le Quotidien, le Pr Stéphane Oustric a décliné la sollicitation pour respecter la fin du mandat de l’actuel président. De son côté, la Dr Glaviano-Ceccaldi n’a pas donné suite à notre demande.


Source : lequotidiendumedecin.fr