Une téléconsultation au supermarché, entre l’achat d’un paquet de pâtes et de papier toilettes ; c’est désormais possible chez Monoprix. En effet, l’enseigne française met en place dans deux de ses magasins — l’un à Malakoff (Hauts-de-Seine), l’autre à Troyes (Aube) — des nouveaux espaces dédiés à la « santé », dans lesquels se trouvent des télécabines du groupe Tessan Pharma Express, dans le but de réaliser des téléconsultations.
Le principe est simple : sans rendez-vous et après un délai d’attente de sept minutes en moyenne, le patient est mis en relation avec un médecin généraliste conventionné de secteur 1. Le praticien guide la personne dans l’utilisation des instruments médicaux (thermomètre, stéthoscope…) présents dans la cabine. Pas d’avance de frais, l’inscription au service se fait avec le numéro de sécurité sociale et le paiement avec la Carte vitale.
« Consommer du soin »
Cette nouveauté n'inspire rien de bon au Dr Jérôme Marty, président de l’UFML-S, remonté. « C’est de la médecine de supermarché. On ouvre des endroits où on peut consommer du soin entre les pâtés pour chien et la boîte de Lego. Cette marchandisation n’est pas acceptable ! Aucun médecin digne de ce nom ne peut défendre ça : c’est une dérive qui a comme but de faire de l’argent. »
Même son de cloche du côté du Dr Corinne le Sauder, présidente de la FMF. « C’est du n’importe quoi : dans le même endroit, on a une cabine d’essayage et une cabine de médecine… On achète du soin comme on achète des vêtements ! Ce n’est pas sérieux… Chacun son métier. »
Le président du CSMF, le Dr Jean-Paul Ortiz, abonde lui aussi, mais pointe une tendance au consumérisme chez les patients aussi : « La consultation en cabinet, c’est le choix d’un patient qui choisit son médecin ; mais on constate que certains viennent parfois dans le but d’obtenir une prescription pour un médicament, ou avoir un deuxième avis, alors qu’ils n’en ont pas besoin ».
Protéger l'acte médical
Le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) a lui rappelé avec fermeté que, selon l’article R.4127-19 du Code de la santé publique, « la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce. » Dans un communiqué paru ce mardi, l'Ordre souligne que, même si les règles ont été assouplies pendant la crise sanitaire, la téléconsultation, régit par l'avenant 6 à la convention médicale, doit s'inscrire dans le cadre d'un parcours de soins coordonnés. « Il ne peut être accepté qu’un médecin prenne en charge un patient sans possibilité de procéder à un examen clinique chaque fois que cela est souhaitable ; sans aucun ancrage territorial ni aucune connaissance du tissu sanitaire et médico-social ; sans se préoccuper de son parcours de soins et sans apporter une garantie que la continuité des soins pourra être assurée », écrit-il.
Pour le Cnom, l'ouverture de ces cabines dans l'enceinte de supermarchés, contrevient donc à ces obligations déontologiques. « Face à cette nouvelle annonce en contradiction directe avec l’organisation de notre système de santé », l’Ordre appelle donc le Gouvernement à « réagir avec fermeté pour défendre les principes régissant l’organisation des soins en France, et pour protéger l’acte médical au service des patients ».
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