Le déficit de la Sécu est-il devenu hors de contrôle ? La question s’est (re)posée tout au long de l’année 2024 avec des prévisions qui n’ont cessé d’être aggravées, questionnant la crédibilité même des estimations et éloignant sans doute pour longtemps l’espoir d’un retour à l’équilibre des comptes sociaux.
En mars 2024, première alerte de Bercy : le déficit des régimes de base de la Sécu et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est révisé à 10,8 milliards d’euros pour 2023. Ce résultat consolidé de l’exercice antérieur marque une dégradation par rapport aux prévisions, une mauvaise nouvelle pour le gouvernement. L’exécutif explique cette situation par « des recettes moindres qu’escompté », notamment dans le secteur privé.
Parallèlement, la Cour des comptes, dans son rapport annuel sur les politiques publiques, sonne le tocsin. Durant la période 2023-2027, la seule branche maladie de la Sécu devrait rester « très déficitaire à un niveau proche de 10 milliards d’euros » pour chaque exercice. Les hauts magistrats exhortent l’État à prendre des mesures de redressement. Mi-juillet, rebelote : la rue Cambon rend public son rapport annuel sur la situation des finances publiques où elle étrille la « persistance des déficits massifs » de la Sécu, et ce « jusqu’à l’horizon 2027 au moins ». Fin juillet, le comité d’alerte sur les dépenses maladie pointe le « risque très élevé » de dépassement du sous-objectif des soins de ville. Tous les postes sont concernés.
Tour de vis et censure
À l’automne, tous les voyants budgétaires sont au rouge. La présentation par le nouveau gouvernement Barnier du PLFSS 2024, dans un contexte tendu, oblige le gouvernement à un exercice de vérité sur l’ampleur de déficits sociaux, assorti d’un tour de vis sur la santé (cinq milliards d’euros de régulation pour 2025).
Car les chiffres restent vertigineux : 18 milliards d’euros de déficit de la Sécu attendu en 2024, 28 milliards l’an prochain en l'absence de mesures nouvelles, à nouveau une vingtaine de milliards en 2028… L’évolution des comptes sociaux affiche une pente alarmante tandis que la branche maladie reste « l’homme malade » de la Sécu. Laurent Saint-Martin, ministre du Budget, évoque une « explosion des dépenses », pas toujours financée. À la tête de Ségur, Geneviève Darrieussecq pose la question de l’avenir du système de santé et de son financement. Mi-novembre, la Cour des comptes enfonce le clou. D’ici à 2028, l’accumulation des déficits « sans solution de financement » conduirait à la reconstitution d’une nouvelle dette sociale atteignant « près de 100 milliards d’euros ». Les magistrats jugent cette trajectoire « non soutenable ».
Le 4 décembre, Michel Barnier et son gouvernement sont renversés par une motion de censure. À l’origine de sa chute : le déclenchement de l’article 49.3… sur le budget de la Sécurité sociale (PLFSS). La Sécu n’a pas de budget, mais les déficits n’ont pas disparu.
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