Un trio d’experts composé du maire (LR) du Touquet Daniel Fasquelle, du Pr Michel Lejoyeux, professeur de psychiatrie et d'addictologie, et d’Angèle Malâtre-Lansac, déléguée générale de l’Alliance pour la santé mentale, a été chargé à l’automne d’un groupe de travail sur la santé mentale, érigée en « grande cause nationale » 2025 par l’ex-Premier ministre Michel Barnier. Déjà engagé de longue date sur les questions de l’autisme, Daniel Fasquelle, également conseiller régional des Hauts-de-France, expose ses priorités et veut croire que le nouveau gouvernement dirigé par François Bayrou se donnera les moyens d’agir pour la santé mentale, secteur en grande souffrance.
LE QUOTIDIEN : Vous étiez déjà très mobilisé sur l’autisme en tant que député (2007-2020) et maire. Rejoindre le groupe de travail sur la santé mentale était-il une évidence ?
DANIEL FASQUELLE : Oui, j’avais effectivement été à l’origine de la grande cause sur l’autisme en 2012. Dans ma commune, j’ai créé une école pour les enfants autistes. Michel Barnier, que je connais bien, avait connaissance de ce que je faisais dans ma ville. Ça l’avait en quelque sorte marqué.
Quand il a annoncé que la santé mentale serait la grande cause nationale 2025, il a fait savoir qu’il voulait trois profils différents pour participer à un groupe de travail d’experts, et pas que des psychiatres ! Le regard complémentaire d’un élu lui importait beaucoup. L’autisme n’est pas une maladie mentale, évidemment, mais dans ce que j’ai vécu et le chemin parcouru pour qu’on reconnaisse mieux l’autisme, qu’on puisse porter un regard différent, faire de la prévention et poser le bon diagnostic, un parallèle peut être fait avec les combats à mener pour la santé mentale.
Quels sont vos objectifs, vos leviers d’action ?
Il s’agit d’abord de partir de l’existant. On dispose déjà d’un guide de l'association des maires de France sur la santé mentale, réalisé en 2020. Lors du dernier Congrès des maires, j’ai suggéré de reprendre et de compléter ce guide qui peut servir de base de travail pour les élus. Je suis convaincu que les maires peuvent, à leur place, faire énormément de choses dans le domaine de la santé mentale. Plusieurs études montrent que la manière dont la ville est conçue et aménagée a un impact direct sur la santé mentale des habitants. Dans une commune où il y a des arbres et de la végétation, les habitants consomment moins d’antidépresseurs que dans une ville beaucoup plus minérale.
“Je suis convaincu que les maires peuvent faire énormément de choses dans le domaine de la santé mentale”
Les édiles ont aussi leur carte à jouer en soutenant les associations sportives et culturelles car les bénéfices de l’exercice et de la capacité à se distraire sont avérés pour le corps et l’esprit. Toutes ces actions doivent également permettre de lutter contre la solitude, qui a un impact considérable. Au fond, la santé mentale ne doit plus être un tabou. La santé mentale, c’est l’affaire de tous !
Que pensez-vous de la réforme Mon parcours psy – devenue Mon soutien psy – qui a fait l’objet de critiques ?
Prévention, offre de soins, moyens : il faut tout remettre à plat sur la santé mentale, y compris cette réforme, et cela commence effectivement par le repérage. La prévention est essentielle, il est impératif de déstigmatiser les troubles mentaux afin de permettre à chacun de s’exprimer librement, sans honte ni tabou, mieux prévenir et accepter d’en parler. La difficulté, ensuite, c’est de mettre en place les bons parcours avec une gradation des réponses.
Ce qui est certain, c’est qu’il ne faut pas laisser les fragilités et les difficultés s’installer, sinon cela devient très difficile à traiter. D’autant qu’aujourd’hui, l’offre de soins psychiatriques n’est pas satisfaisante. Certes, des conseils locaux de santé mentale existent ici et là [lieux de concertation et de coordination entre les élus locaux d’un territoire, les services de psychiatrie publics, les usagers et les aidants, NDLR] mais ils ne sont pas suffisamment nombreux pour mobiliser les acteurs. De la même façon, les ARS ont monté des plans locaux de santé mentale : ils sont très beaux et bien écrits mais restent dans les armoires ! Bref, il y a beaucoup de bonnes volontés mais les actions menées sur le terrain ne sont pas assez coordonnées, ce qui donne un effet brouillon.
Aujourd’hui, il existe, de fait, de très fortes inégalités territoriales. Je le redis : les conseils locaux de santé mentale ne couvrent que 20 % du pays, ce qui aboutit à des réponses disparates. Il suffit aussi de regarder le nombre de suicides chez les jeunes pour comprendre que la prise en charge aux urgences psychiatriques est loin d’être suffisante.
Avec la valse des ministres à Ségur, ne craignez-vous pas que la santé mentale soit, une nouvelle fois, reléguée au second plan ?
J’espère bien que non ! Le sujet est trop grave pour être éludé. La santé mentale avait certes été érigée comme grande cause nationale 2025 par Michel Barnier mais je crois que c’est avant tout un sujet transpartisan. Je suis convaincu que François Bayrou souhaitera donner la même impulsion à ce dossier. Avec le Pr Lejoyeux et Angèle Malâtre-Lansac, nous avons déjà remis à Matignon, début décembre, un projet de plan d’actions prioritaires. Nous espérons que celui-ci sera retenu et appliqué.
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