« Consultation » et « diagnostic » infirmier : la réforme du métier d’IDE adoptée au Sénat, les médecins cajolés

Publié le 07/05/2025
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Après l’Assemblée, le Sénat a adopté la proposition de loi infirmière, qui inscrit dans le marbre législatif le principe de « consultation infirmière ». Députés et sénateurs doivent encore accorder leurs violons lors d'une commission mixte paritaire.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Attendue de longue date par le secteur, la réforme du métier d'infirmier a été adoptée en début de semaine par le Sénat, favorable à un texte visant à redéfinir les missions de ces professionnels de santé et à mieux reconnaître leur travail.

La proposition de loi des députés Nicole Dubré-Chirat (Renaissance) et Frédéric Valletoux (Horizons), déjà adopté à l'unanimité à l’Assemblée début mars, définit quatre missions socles de la profession : la réalisation de soins (curatifs, palliatifs) et leur évaluation, le suivi et la coordination du parcours de santé, la prévention et la participation à la formation. La présidente de l'Ordre des infirmiers, Sylvaine Mazière-Tauran, a salué mardi 6 mai 2025 un acte « fondateur ».

Députés et sénateurs devront désormais accorder leurs visions lors d'une commission mixte paritaire dont la date restait à fixer, dernière étape précédant l'adoption définitive. Le ministre de la Santé Yannick Neuder a salué un texte qui donnera selon lui « un nouveau cap » au métier et « de nouvelles perspectives » aux quelque 640 000 infirmières et infirmier du pays, dont 135 000 libéraux ou en activité mixte. Le ministre a aussi promis de publier une lettre de cadrage « d'ici fin mai », afin d'ouvrir des négociations conventionnelles avec les organisations représentatives « avant l'été pour traduire, notamment dans les rémunérations, les avancées de cette loi ».

« Pas question d’ouvrir un front avec les médecins »

Dans le détail, la proposition de loi redéfinit les missions des infirmiers, encadrées depuis 2004 par un décret jugé obsolète. Elle consacre les notions de « consultation infirmière » chère à l’ancien ministre de la Santé Frédéric Valletoux et de « diagnostic infirmier ». Elle confie également aux infirmiers un pouvoir de prescription de certains médicaments ou examens listés par arrêté, malgré les critiques des syndicats de médecins, qui s’inquiètent de voir une partie de leur cœur de métier cédé aux paramédicaux au principe de lutte contre les déserts médicaux.

Or, a tenté de rassurer Yannick Neuder lors des débats, « il n'est pas question d'ouvrir un front avec les médecins ». « Les missions de l'infirmier ont toujours vocation à être exercées en coopération et en complémentarité », avec les médecins, a-t-il insisté. « Nous avons fait un travail d'explication et je crois que la majeure partie (des syndicats de médecins) maintenant ont compris que les diagnostics infirmiers ne viennent pas empiéter sur le diagnostic médical », insiste aussi Sylvaine Mazière-Tauran, à la tête de l’Ordre des infirmiers.

Dans cette optique d'apaisement, les sénateurs ont inscrit dans la loi que les infirmiers exerçaient en « coordination » avec les autres professionnels de santé, préférant ce terme à celui de « complémentarité » retenu par les députés. Ils ont également validé le principe de saisine de l’Académie nationale de médecine sur le pouvoir de prescription des infirmiers, rétabli par le Sénat, ainsi qu'une modification visant à préciser que les infirmiers contribuent à la conciliation médicamenteuse aux côtés des autres professionnels de santé.

IPA, Iade et Ibode : besoin de clarification

Enfin, afin de valoriser les compétences des infirmiers de spécialité, le Sénat a souhaité que soit reconnue, dans leur exercice, une forme de pratique avancée spécifique à chaque spécialité (excluant l’accès direct). Il a écarté en revanche les dispositions qui semblaient dissoudre l’exercice des spécialités dans le cadre de la pratique avancée.

Un amendement adopté du gouvernement est également allé dans ce sens. Il permet la définition d’un cadre d’exercice en pratique avancée « spécifique » pour les infirmiers de spécialité, notamment les Iade (anesthésistes) et les Ibode (de bloc opératoire), dont le niveau de diplôme actuel correspond déjà au niveau exigé pour les IPA. Le risque de confusion entre la pratique « avancée » des IPA et la pratique « en autonomie » des infirmiers spécialisés (comme les Iade et les Ibode) a régulièrement été pointé du doigt par les médecins spécialistes de bloc.

Les sénateurs ont également érigé au rang de « spécialité infirmière autonome » le corps des infirmiers de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur, saluant leur « rôle pivot » dans le système éducatif et sanitaire. Le texte reconnaît enfin le statut d’infirmier coordinateur en Ehpad.

Plusieurs voix au Sénat ont par ailleurs alerté le gouvernement sur les conditions de travail des infirmiers, appelant à une revalorisation salariale.

A.B.-I. (avec AFP)

Source : lequotidiendumedecin.fr