Décision Santé. Quel est votre regard sur le PLFSS ?
Claude Le Pen. On n’en connait pas encore tous les détails mais la partie financière est un peu décevante. On s’attendait à un PLFSS plus créatif, plus innovant avec des perspectives à long terme. Au final, on reste dans la logique traditionnelle avec un objectif attendu et un plan d’économie, 4 milliards 200 millions d’euros encore plus sévère que l’année dernière. L’Etat a privilégié une nouvelle fois les outils tarifaires à l’hôpital et sur le médicament. Il n’y a pas de changement de logique. Le gouvernement en est-il responsable ? Oui bien sûr. Mais c’est la logique même de ces plans de financement qu’il faut revoir. Ils enferment la décision publique dans un temps très court. Des mesures doivent être mises en œuvre dans les mois qui suivent le vote du Parlement. Seules les mesures tarifaires ont un impact rapide à la différence des plans de prévention ou des projets de restructuration dont les effets s’observent à long terme. L’une des solutions serait certes de disposer d’un outil budgétaire qui s’inscrirait dans une perspective à cinq ans, celle du temps du quinquennat afin de valoriser les effets des restructurations.
D. S. Les espoirs n’étaient-ils pas trop grands ?
C.L.P. Les industriels rêvent, mais ils sont aussi réalistes. Ils sont animés par une frustration liée à une évaluation qu’ils jugent trop sévère de leurs médicaments par la Commission de transparence et des négociations de prix très difficiles. Mais ils sont également dotés d’une grande capacité d’adaptation pourvu que les règles du jeu soient claires, simples et stables. On n’a jamais réussi en France à tisser le maillage entre politique de santé et politique industrielle. L’Etat est un trop bon pianiste. Ses deux mains sont totalement indépendantes. Le risque toutefois est de voir les maisons-mères des grands groupes se détourner alors de l’Hexagone.
D. S. Quelles sont les différences entre Marisol Touraine et Agnès Buzyn ?
C.L.P. On note incontestablement une meilleure connaissance du secteur et une vision positive de l’avenir autour de grands enjeux comme la prévention. L’ostracisme anti-privé qui caractérisait l’action de la ministre précédente a disparu. Sur la question des vaccins par exemple, Agnès Buzyn ne s’est pas laissé enfermée dans un débat sur les intérêts financiers. Persiste toutefois la situation budgétaire très difficile conjuguée à une croissance encore faible. Les déficits sont encore importants. L’Etat n’a pas encore identifié d’autres marges de manœuvres que celles réalisées une nouvelle fois sur le médicament.
D. S. Il n’y a pas eu de mesures même symboliques qui signalent un changement de cap ?
C.L.P. Les industriels du médicament sont plus confiants, même s’il n’y a pas eu de signaux publics. L’opinion publique exprime une défiance à l’égard du médicament. Un politique ne peut négliger cet état de fait très singulier et surtout observé en France. Je reste toutefois raisonnablement optimiste. Le marché du médicament va évoluer. Certains médicaments sont très coûteux. Mais dans le même temps des grands gisements d’économies sont disponibles. On peut citer l’arrivée des biosimilaires mais aussi la concurrence entre les laboratoires à l’origine d’une baisse des prix. Autant d’éléments qui marquent une certaine inflexion. La ministre n’est certes pas à l’origine de ces changements. Mais elle dispose de tous les instruments pour s’en saisir. L’important aujourd’hui est d’envoyer des signaux positifs à destination des centres de décision internationaux. Il faudra ensuite accueillir les innovations, les rémunérer, être en un mot plus agile dans le rapport coût-bénéfice. A la fin, il faudra certes payer. Simplement les pouvoirs publics devront démontrer que si un médicament bénéficie d’un prix élevé, on en a tous, patients, santé publique par exemple in fine pour son argent.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes