Les modalités d’indemnisation des médecins libéraux ayant subi une baisse de leur activité depuis le début de l’épidémie de coronavirus (-40 % en moyenne pour les généralistes selon l’Assurance maladie) sont enfin connues. Le ministère de la Santé a annoncé ce mercredi matin la mise en place d’une aide « qui permettra de garantir que chaque professionnel de santé libéral conventionné connaissant une baisse d’activité puisse percevoir une aide lui permettant de faire face à ses charges. » Cette indemnité permettra donc de « couvrir le niveau moyen des charges fixes supportées par chaque professionnel ». Des taux de charges fixes moyens par spécialité ont été établis par l’Assurance maladie (lire plus bas).
Les déclarations ouvertes à partir du 30 avril
Un premier acompte sera versé « dès le début du mois de mai » pour la période du 16 mars au 30 avril, indique le ministère de la Santé. Le montant de l’acompte sera calculé « sur la base des informations que les professionnels pourront renseigner en ligne sur le portail AmeliPro à partir du jeudi 30 avril 2020 ». Les praticiens devront notamment indiquer le montant des honoraires sans dépassements remboursables par la caisse perçus en 2019 et le montant des honoraires sans dépassements facturés ou à facturer (perçus ou à percevoir) entre le 16 mars et le 30 avril 2020. « Ce service permet à la fois d’effectuer une simulation du montant théorique de l’aide à laquelle ils peuvent bénéficier et demander un acompte sur la base de l’estimation réalisée. Il est possible de demander un acompte pouvant aller jusqu’à 80 % maximum de l’aide », explique la Cnam dans un communiqué. Une régularisation sera effectuée une fois la crise terminée.
Comme attendu, les éventuelles aides perçues par les praticiens concernés « au titre d’autres dispositifs » (chômage partiel des salariés, recours au fonds de solidarité, IJ) devront aussi être déclarées. Elles seront déduites intégralement de l’indemnité de la caisse. Les revenus issus de l’activité résiduelle effectuée pendant la période de confinement seront aussi pris en compte. Mais seules les charges fixes liées à cette activité seront déduites de l'indemnité (voir encadré).
Par ailleurs, les jeunes médecins (installés depuis moins de deux ans) verront leur taux de charges fixes majoré de cinq points. Ces confrères ont généralement un taux de charges plus élevé. En revanche, il n’y aura pas de coup de pouce supplémentaire pour les médecins en cumul emploi-retraite, au grand dam du Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. « C’est mon grand regret, je me suis beaucoup battu pour cela, a-t-il confié au Généraliste. Toutefois, j’ai vu que la Carmf était en train de mettre en place un dispositif qui devrait alléger un peu les charges retraites pour la période actuelle, cela devrait bénéficier aux médecins en cumul. »
Un taux de charges compris entre 29,6 % et 33,6 % pour les généralistes
Si « l’ensemble des charges fixes sont prises en compte » par l'Assurance maladie, le dispositif d'indemnisation de la caisse prévoit toutefois « une modulation pour les charges fiscales et sociales en fonction des taux d’activité pendant la période de crise ». « Plus cette activité est faible, plus le montant des charges sociales et fiscales à payer sera faible, même si l’effet de cette baisse n’interviendra que de manière différée », a expliqué la Cnam au Généraliste.
De fait, le montant des charges sociales et fiscales sera décoté pour les praticiens ayant effectué moins de 60 % de leur activité ordinaire. Cette décote sera de 30 % pour ceux ayant réalisé moins de 30 % de leur activité habituelle et de 20 % pour ceux ayant réalisé entre 30 et 60 % de celle-ci. Les médecins ayant effectué plus de 60 % de leur activité normale verront l'aide de l'Assurance maladie majorée de « 400 euros pour prendre en compte les frais liés à l’achat de matériel d’équipement », ajoute la Caisse.
Selon un document de la Cnam, dont Le Généraliste a eu copie, le taux de charges fixes retenu pour les médecins généralistes en secteur 1 sera :
- de 29,6 % (du montant mensuel moyen des honoraires sans dépassements enregistré en 2019) pour ceux ayant effectué moins de 30 % de leur activité habituelle,
- de 30,9 % pour ceux ayant effectué entre 30 et 60 % de leur activité habituelle,
- 33,6 % pour ceux ayant effectué plus de 60 % de leur activité habituelle.
Une aide insuffisante selon la CSMF et le SML
L'aide annoncée ce mercredi par le ministère de la Santé n'est toutefois pas suffisante aux yeux de la CSMF et du SML. « D'après les premiers calculs que nous avons faits, cette aide ne permet pas de coller aux charges réelles des cabinets », note le Dr Ortiz. Pour le patron de la CSMF, « il faudra aller au-delà de la prise en charge des seules charges », si la baisse — voire l'arrêt total pour certaines spécialités − venait à durer.
De son côté, le SML « estime que le compte n’y est pas, et qu’au final, cette démarche traduit une forme de mépris des pouvoirs publics envers les médecins libéraux ». Le syndicat du Dr Philippe Vermesch réclame, en plus de l’accompagnement sur les charges, des mesures de « compensation des revenus ». « Il serait totalement anormal que les médecins libéraux, quel que soit leur secteur d’exercice (1, 2, Optam ou Optam-co) et quelle que soit leur spécialité, soient les seuls travailleurs indépendants à être écartés des dispositifs de remplacement de leur revenu », estime le SML.
Exemple du montant de l’aide pour un pour un généraliste
Profil : médecin généraliste, exerçant en secteur I, ayant perçu en moyenne 5 000 euros d’honoraires par mois en 2019. Entre mi-mars et fin avril, il n’a effectué que 50 % de son activité habituelle. Pendant la crise, il a donc perçu 2 500 euros d’honoraires. Son taux de charges fixes est de 30,9%.
Son indemnité est calculée ainsi : (revenus mensuels moyens 2019 / taux de charge) – (revenus perçus x taux de charge)
Soit ici : (5 000 euros x 30,9%) – (2 500 x 30,9 %) = 1545 – 772,5 = 772,5
Au total, ce médecin aura perçu 2 500 euros d’honoraires + 772,5 euros d’aide, soit 3 272,5 euros sur la période.
Un généraliste du même profil mais qui n’aurait eu aucune activité pendant cette période et perçu aucune aide, peut lui percevoir une aide de 1 480 euros (5 000 euros / 29,6 %)
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