Le successeur de François Braun n’est pas un inconnu du monde de la santé. Âgé de 47 ans, le nouveau ministre a joué un rôle important pendant l’épidémie de Covid, alors qu’il était à la tête de l’ARS d’Île-de-France de 2018 à 2021. Il y a quelques jours, Aurélien Rousseau était encore directeur de cabinet de la Première ministre Élisabeth Borne. Conseiller d’État, il a fait l’essentiel de sa carrière à la mairie de Paris et dans les ministères, notamment au sein du cabinet du Premier ministre Manuel Valls (puis Bernard Cazeneuve), où il était en charge du suivi des ministères sociaux. Cela fait de lui un fin connaisseur à la fois des rouages de l’État et des questions de santé.
Son parcours et sa personnalité font cependant de lui un personnage singulier, loin du portrait type de l’énarque qu’il est. Voici 10 anecdotes qui permettent mieux cerner le nouveau ministre de la Santé.
❶ Il ne devait pas être ministre
Aurélien Rousseau a quitté Matignon le 18 juillet, deux jours avant sa nomination à la Santé. Ce n’était pourtant pas sa destination initiale. « Je quitte Matignon, une maison magnifique, cœur de l’État et “terminus des emmerdes” », twittait alors le haut fonctionnaire. Destination : la Caisse des dépôts pour y occuper le poste de directeur général adjoint dès le 1er septembre comme il l’avait confirmé à « Midi Libre ». Officieusement, l’ancien directeur de cabinet d’Élisabeth Borne n’aurait pas souhaité affronter la bataille à venir sur la loi immigration, raconte « Le Monde ». « Il pressent la bataille rude, presque perdue d’avance, dans un climat à vif », écrit à l’époque le quotidien national.
❷ Sa conjointe est numéro deux de l’Assurance-maladie
L’information n’aura pas échappé au cercle politico-médiatique et a déclenché une mini-polémique au moment de la nomination d’Aurélien Rousseau. La compagne du nouveau ministre de la Santé n’est autre que Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de l’Assurance-maladie, laissant planer le doute sur un éventuel conflit d’intérêts avec Matignon. Elle s’est particulièrement impliquée (jusque sur les réseaux sociaux) lors des négociations conventionnelles avec les médecins en début d’année, et qui ont débouché sur un échec. Invitée à se prononcer sur la polémique, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a tranché mardi 25 juillet : « Le collège de la Haute Autorité estime que la fonction de la conjointe du ministre n’est pas, en elle-même, de nature à constituer une situation de conflit d’intérêts […] ». Fin du débat.
❸ Sa belle-mère est une ancienne cadre du laboratoire Eli Lilly
Dans la famille Cazeneuve (aucun lien avec l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve), il y a la fille (et compagne d’Aurélien Rousseau), Marguerite, numéro deux de l’Assurance-maladie, le fils, Pierre, conseiller municipal de Saint-Cloud et député renaissance des Hauts-de-Seine, le père, Jean-René, député Renaissance du Gers et rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale et la mère, Béatrice… ancienne membre du comité de direction de Eli Lilly.
Ces connexions entre le monde politique et le laboratoire pharmaceutique américain ont suscité des soupçons de liens d’intérêt durant la pandémie de coronavirus alors que l’ANSM avait octroyé à Lilly une autorisation temporaire pour un traitement contre le Covid en 2021 (bamlanivimab). Cheffe de pôle santé à Matignon, Marguerite Cazeneuve avait préalablement pris les devants, adressant un courrier à son directeur de cabinet pour indiquer qu’elle « s’abstiendra de connaître tout dossier ayant trait au groupe pharmaceutique Lilly », comme l’avait révélé à l’époque « Libération ».
❹ Communiste et prof d’histoire-géographie
Aurélien Rousseau n’a pas commencé sa carrière professionnelle dans les cabinets ministériels. Après khâgne, il est recalé à Normale sup et passe une maîtrise d’histoire médiévale à l’université Paris 1-Panthéon Sorbonne. Titulaire du Capes d’histoire-géographie, il enseigne deux ans au lycée Jean-Renoir de Bondy (Seine-Saint-Denis). « L’histoire est ma passion, elle a été mon métier, mais, dans un pays comme le nôtre, par le biais du travail, des concours parfois, on peut changer – pas pour renier mais pour approfondir son engagement ou le vivre différemment », confie Aurélien Rousseau dans « La blessure et le rebond : dans la boîte noire de l'État face à la crise » (éditions Odile Jacob), le livre paru en 2022 qu’il consacre à la gestion de la crise épidémique. Une manière de répondre aux critiques de ceux qui dénigrent son parcours de « prof d'histoire-géo ».
Après l'enseignement, le jeune homme participe ensuite à la campagne municipale de Paris de 2001. Il y fait la rencontre de Pierre Mansat, un communiste élu dans la majorité de Bertrand Delanoë à Paris. Il devient le directeur de cabinet de l’adjoint au maire chargé de Paris métropole et des relations avec les collectivités territoriales d’Île-de-France. C’est à cette époque qu’il adhère au parti communiste.
❺ C’est l’ex-directeur général de la Cnam, Nicolas Revel, qui lui a suggéré de faire l’ENA
Lors de son passage à la mairie de Paris, il fait la rencontre Nicolas Revel, directeur adjoint du cabinet du maire. Le futur directeur général de l’Assurance-maladie lui conseille de tenter le concours de l’ENA. Ce qu’il fait. Il en ressort en bonne place dans la promotion « Willy Brandt » (2007-2009), la même que Clément Beaune et Florian Philippot. Il intègre alors l’un des corps les plus prestigieux, celui des magistrats administratifs du Conseil d’État. Il quittera l’institution en 2012 pour faire son retour à la mairie de Paris en tant que directeur adjoint du cabinet de Bertrand Delanoë.
❻ Il a été longuement hospitalisé pour un syndrome de Guillain-Barré
C’est sans doute l’un des épisodes les plus dramatiques de sa vie. Durant son passage à l’ENA, il est atteint par le syndrome de Guillain-Barré. Cela « m’avait touché en plein vol, j’avais 30 ans, mes jambes ne me soutenaient plus vraiment depuis quelques jours. […] il y a eu un an de gouffre, tout aurait pu s’arrêter et tout n’est jamais redevenu comme avant », confie-t-il dans son essai « La blessure et le rebond ». Hospitalisé de longs mois à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, il en garde, non pas des souvenirs, mais des marques, écrit-il. « Pendant les premiers temps de mes fonctions à l’ARS, j’essayais le plus possible d’éviter les réanimations, car le bruit des respirateurs, les bips des machines, le silence bruissant faisaient autant de courts-circuits dans mon corps. » Les soignants l’ont tous impressionné, ajoute-t-il, « par leur professionnalisme et leur rigueur ». En 2016, il publie « Boucle d’or » (éditions du Passage), un roman autobiographique dans lequel il raconte cette expérience douloureuse.
➐ Il a écrit deux pièces de théâtre
« Boucle d’or » et « La blessure et le rebond : dans la boîte noire de l'État face à la crise » ne sont pas les seuls ouvrages littéraires d’Aurélien Rousseau. Le nouveau ministre est l’auteur de deux pièces de théâtre : « Traces » (2009) et « Le Siphon » (2012). Les deux œuvres ont été interprétées par la compagnie « Le Petit théâtre de pain », originaire du Pays basque.
➑ Attentats de 2015, incendie de Notre-Dame, épidémie de Covid…
Les situations de crise, Aurélien Rousseau connaît. Le 13 novembre 2015, il est directeur adjoint du premier ministre, Manuel Valls, depuis un mois seulement, lorsque les attentats éclatent à Paris. Le 15 avril 2019, il doit faire face aux conséquences sanitaires de l’incendie de Notre-Dame de Paris, alors qu’il est directeur général de l’ARS. La présence de plomb dans les panaches de fumée laisse craindre aux autorités un risque d’épidémie de saturnisme. Un an plus tard, il est en première ligne à l'ARS d'Île-de-France pour gérer la crise du Covid, l’afflux de patients dans les hôpitaux, la saturation des services d’urgences, la pénurie d’équipements médicaux…
Le haut fonctionnaire dit avoir beaucoup appris de ces situations de crise. D’abord qu’il faut savoir dire qu’« on ne sait pas », même lorsqu’on est aux manettes. Ensuite que l’« État va être de plus en plus souvent un gestionnaire d’incertitudes ». On a beaucoup reproché aux pouvoirs publics de naviguer à vue durant l’épidémie de coronavirus. Pour Aurélien Rousseau, il faut au contraire apprendre à naviguer à vue « parce qu’il y a des tas de choses qu’on n’avait pas prévues », c’est même devenu « une compétence stratégique ».
➒ C'est aussi un élu de terrain
Habitué des cabinets ministériels, Aurélien Rousseau est aussi conseiller municipal. En 2012, il figure sur la liste de Jean-Pierre Perret, élu maire de Saint-Hilaire-de-Brethmas, commune de 4 600 habitants située dans le Gard, à proximité d’Alès sa ville de naissance. Le trombinoscope de la mairie mentionne qu’il est en charge des relations institutionnelles.
➓ Christophe Maé et Clara Luciani, ses « amis imaginaires »
C’est une petite confidence qu’Aurélien Rousseau livre dans les remerciements de « La blessure et le rebond ». Ces « deux personnes ont été les témoins aveugles et ignorants de toute cette aventure et je les remercie de leur présence », écrit-il en référence aux deux artistes dont les chansons « Les gens » et « Le reste » l’ont accompagné durant la crise du Covid et ont bien souvent été le « déversoir de ses peurs, de ses pleurs et de ses angoisses ».
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