Réaction au discours du président Macron

André Grimaldi* : « Le plan santé du président : traiter les symptômes sans traiter la cause de la maladie »

Publié le 19/01/2023
André Grimaldi, professeur émérite de diabétologie au CHU de la Pitié-Salpêtrière

André Grimaldi, professeur émérite de diabétologie au CHU de la Pitié-Salpêtrière
Crédit photo : Sébastien Toubon

Les vœux du Président au monde de la santé était rempli de mots doux : travail en équipe, revalorisation des salaires, augmentation du paiement du travail de nuit et des week-end ainsi que des gardes, stabilisation des plannings, plan de logement, développement des infirmières de pratique avancée, rôle essentiel des services, liberté d’organisation des établissements, fin de la T2A, gouvernance partagée entre soignants et gestionnaires. Pour la ville, il a réaffirmé l‘importance du premier recours, redit sa volonté de développement des communautés professionnelle de territoires et a annoncé le doublement des assistants médicaux. Il a conditionné l’augmentation des revenus des médecins libéraux à leur participation à la formation des étudiants, à la permanence des soins et à l’acceptation de nouveaux patients. Donc, pas de contrainte seulement de l’incitation. Il a enfin fait appel à la responsabilité des patients.

Mots non prononcés

Mais derrière ces mots et ceux qui ne furent pas prononcés (l’Ondam et sa régulation comptable, les ratios de soignants à l’hôpital, les maisons de santé pluri-professionnelles et les centres de santé, les dépassements d’honoraires, l’absence de régulation de la liberté d’installation des médecins, la privatisation croissante de secteurs entiers de la santé appartenant à des holdings financiarisés) quelle est la vision du Président ? Elle semble se résumer en deux mots : coordination des professionnels et complémentarité des établissements, au sein des territoires, en lieu et place de la concurrence. Retour donc aux partenariats public/ privé dont la traduction la plus habituelle est : au privé ce qui est rentable, au public le reste.

Cause ?

Il a en effet introduit son propos en estimant qu’il y a un accord général sur le diagnostic mais il s’est contenté d’énumérer les symptômes du mal sans rien dire de la cause de cette maladie chronique qu’on appelle la « crise du système de santé ». Cette cause est la décision prise au niveau international de privatiser d’abord la gestion puis le statut des services publics et de favoriser le développement les « entreprises » de santé ayant parmi leurs actionnaires des fonds d’investissements et de pensions. Cela concerne les chaînes des cliniques commerciales, comme Ramsay et Elsan, qui envisagent maintenant de créer des centres de santé de premier recours et les laboratoires de biologie médicale dont les biologistes sont dépossédés. Le processus est en cours pour la radiologie. Parallèlement les mutuelles se sont transformées en assurances commerciales. Elles cherchent à conventionner de façon sélective les professionnels pour créer des réseaux « low-cost ». Enfin l’ubérisation de la santé est en marche avec Doctolib et la création de multiples plateformes. Face à cette expansion de la privatisation/financiarisation de la santé facilitée par la numérisation, la médecine libérale canal historique s’arc-boute sur son modèle dépassé alors que la réponse devrait être une alliance entre hospitaliers et professionnels de ville, entre médecins et paramédicaux, entre salariés et libéraux conventionnés avec la Sécurité sociale dans un secteur 1 revalorisé, entre professionnels et patients pour construire ensemble un service public de santé intégré, territorialisé, démocratisé, cogéré.

* André Grimaldi, professeur émérite CHU Pitié Salpêtrière.


Source : lequotidiendumedecin.fr