« Pour moi, il n'y avait pas de lien d'intérêt. Je plaide ma naïveté », a expliqué le 14 juin le Pr Michel Aubier, 70 ans, ancien chef du service de pneumologie à l'hôpital Bichat, devant la 31e chambre correctionnelle du TGI de Paris. L'affaire remonte au 16 avril 2015. Chargé par Martin Hirsch, le DG de l'AP-HP de le remplacer, le professeur Aubier avait été auditionné devant la commission d'enquête du Sénat à propos du coût économique et financier de la pollution de l'air. Il est jugé pour avoir menti sur ses liens avec le groupe Total dont il percevait environ 100 000 euros par an depuis 2012. Son contrat de travail qui lui donnait une voiture de fonction prévoyait neuf demi-journées par mois d'activité dans l'entreprise. Se sont portées parties civiles l'AP-HP ainsi que deux ONG. Parmi les reproches adressés au pneumologue, le Pr Aubier n'a fait une demande d'autorisation de cumul d'activités à l'AP-HP, son principal employeur, que pour six des onze laboratoires avec lesquels il avait une activité. Il n'a pas non plus fait de demande de cumul pour travailler avec Total. Le patron de l'AP-HP, Martin Hirsch, qui s'est porté partie civile pour avoir accès au dossier, a considéré cette affaire « comme un lamentable cas d'école » auprès de l'AFP.
Quelle est l'explication donnée par le pneumologue au tribunal ? Michel Aubier dit avoir fait une confusion entre la notion de lien d'intérêt et celle de conflit d'intérêt. Selon lui, il n'y avait aucun conflit d'intérêt entre une intervention devant une commission sénatoriale consacrée à la pollution et une fonction de médecin-conseil de la direction générale du pétrolier. L'avocat du Pr Aubier, François Saint Pierre, va dans le même sens : selon lui, une commission sénatoriale ne peut être considérée comme une enceinte de justice. En conséquence, il a posé une question prioritaire de constitutionnalité qui, si le tribunal l'accepte, fera renvoyer le procès à une date ultérieure.
Au final, tandis que lors de son audition au Sénat, le Pr Aubier avait minoré le rôle de la pollution dans le nombre de cancers dus à des pathologies respiratoires, il a concédé à la procureure que « oui, Total est très probablement un pollueur ».
Résultat, alors que ce délit est passible d'une peine allant jusqu'à cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende, le parquet a requis une condamnation à 30 000 euros d'amende. Les associations parties civiles espèrent que le tribunal ira au-delà, « au regard des sommes perçues ». Le tribunal rendra sa décision le 5 juillet prochain.
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