Politique de santé

En Allemagne, la réforme sur les honoraires divise le monde médical

Par
Publié le 16/02/2024
Article réservé aux abonnés

Le ministre de la Santé et les généralistes allemands sont convenus d’une réforme avantageuse des honoraires médicaux. Les spécialistes libéraux et les hospitaliers réclament leur part.

Dans un cabinet médical, le ministre de la Santé allemand Karl Lauterbach (en arrière-plan) lors de la présentation de la e-prescription, en août 2023

Dans un cabinet médical, le ministre de la Santé allemand Karl Lauterbach (en arrière-plan) lors de la présentation de la e-prescription, en août 2023
Crédit photo : Action Press/Shutterstock/SIPA

Les médecins généralistes et le ministre de la santé Karl Lauterbach se sont entendus, le 9 janvier, sur la suppression des enveloppes globales qui encadraient leurs honoraires depuis plus de trente ans, et leur remplacement par de nouveaux mécanismes qui éviteront aux médecins de travailler gratuitement une fois leurs budgets épuisés. Mais cette réforme ne signifie pas, loin de là, un retour à une totale liberté tarifaire.

Mises en place à partir de 1992 pour les soins ambulatoires, les enveloppes ont pris différentes formes au fil des années, avec notamment des actes « flottants » dont la valeur baissait au-delà d'un certain volume et des méthodes de calcul collectives ou individuelles selon les époques. Dans tous les cas, elles aboutissaient au même résultat, à savoir que les actes dépassant les volumes maximaux autorisés n'étaient plus payés. Les enveloppes étant régionales, certains Länder s'en tiraient mieux que d'autres mais, à l'inverse, les généralistes de Berlin et de Hambourg, dont les actes augmentaient plus qu'ailleurs, ont effectué en 2023 jusqu'à 25 % d'actes non rémunérés.

Nouveau forfait « chaleur »

Après une série de longs conflits, dont une fermeture des cabinets entre Noël et le jour de l’An, l'accord conclu avec les généralistes cette année permettra de payer « tous les actes effectués ». Leurs montants resteront toutefois sévèrement encadrés, en fonction d'indices de morbidité et de démographie. De plus, les honoraires seront complétés par un forfait annuel de suivi des malades chroniques, un forfait de prévention pour les cabinets particulièrement actifs sur ce plan et un « forfait chaleur » qui permettra aux médecins de mieux informer leurs patients sur les dangers des vagues de chaleur et de les accompagner pendant ces périodes.

En outre, Karl Lauterbach annonce une importante simplification des tâches administratives que doivent accomplir quotidiennement les médecins, notamment pour « justifier » et « documenter » leurs actes, et une suppression quasi totale des sanctions encourues en cas de prescriptions jugées excessives ou « non économiques ». Selon lui, ces mesures coûteront certes plusieurs centaines de millions d’euros par an à l’Assurance-maladie, mais elles revalorisent également la médecine générale de plus en plus délaissée par les jeunes médecins. Actuellement, il manque plus de 5 000 généralistes dans le pays, pour un total de 45 000 cabinets libéraux, et les déserts médicaux se multiplient en dehors des zones les plus peuplées.

Le ministre a aussi décidé la fin du remboursement des médicaments homéopathiques. Si l'économie attendue ne dépasse pas quelques dizaines de millions d'euros, elle symbolise, selon lui, une utilisation plus rationnelle des ressources en fonction de critères scientifiquement évalués.

Souci : l'accord avec les généralistes suscite la colère des spécialistes libéraux, dont les honoraires resteront soumis aux enveloppes, et qui ne bénéficieront pas non plus de la fin des sanctions sur les prescriptions. Très remontés et inquiets d’une « division » de la médecine libérale, leurs syndicats catégoriels réclament la même réforme. Et si Karl Lauterbach a réussi à apaiser les généralistes, soit un gros tiers des libéraux, ce sera une autre affaire avec les médecins hospitaliers, qui exigent de substantielles augmentations de salaires et annoncent d'importantes grèves pour les semaines à venir.

Outre-Rhin, la e-prescription cahin-caha

Alors que la France se lance dans l’expérimentation à petite échelle de l’ordonnance électronique, l'Allemagne a fait le grand saut le 1er janvier. Ce transfert d’envergure s'est fait sans couac majeur, même si le manque d’informations délivrées aux patients a agacé les médecins, obligés de faire le service après-vente.

En pratique, les praticiens sont tenus de remettre à tous leurs patients une ordonnance électronique qu’ils peuvent télécharger soit sur leur carte d'assuré, soit sur leur téléphone grâce à une application. Ils peuvent aussi leur remettre un document reprenant la prescription, complété par un QR code qui sera scanné à la pharmacie.

Pour le moment, l'application téléphonique n'est quasiment pas demandée, et la majorité des patients privilégie le chargement sur leur carte ou, surtout les plus âgés, le document imprimé à scanner.

L’ensemble du dispositif a été lancé avec plus deux ans de retard, essentiellement en raison de problèmes de confidentialité. Comme ailleurs en Europe, les pharmaciens ont été prêts bien avant les médecins, lesquels ont dû finir de s'équiper, parfois à marche forcée.


Source : Le Quotidien du Médecin