Comment formuler une demande d’aide à mourir ? Les députés ont précisé, lors des débats ces 21 et 22 mai, la procédure pour accéder à ce nouveau droit, après s’être entendus sur les cinq conditions cumulatives à remplir pour y être éligible.
Le patient devra faire sa demande auprès d'un médecin « qui n'est ni son parent, ni son allié, ni son conjoint, ni son concubin, ni le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité, ni son ayant droit. » Ceci, « par écrit ou par tout autre mode d'expression adapté à ses capacités », ont-ils précisé en adoptant un amendement du gouvernement. Et hors téléconsultation.
Le texte prévoit qu'une même personne ne puisse pas présenter simultanément plusieurs demandes. La demande pourra être recueillie au « domicile » ou « dans tout lieu où est prise en charge » la personne, si celle-ci ne peut se rendre chez son médecin, ajoute un amendement du groupe indépendant Liot.
Le médecin devra informer la personne sur son état de santé et lui indiquer qu'elle peut bénéficier de soins palliatifs. Il doit « proposer à la personne et ses proches de les orienter vers un psychologue ou un psychiatre ». Mais les députés ont rejeté un amendement des députés de droite qui voulait rendre obligatoire la consultation d’un psychologue ou psychiatre. « C'est mettre sous tutelle le patient en réalité et le mettre dans la main de la décision d'un psychiatre », a rétorqué la députée écologiste Sandrine Rousseau au député LR Philippe Juvin, qui mettait en avant l’altération du jugement que peuvent engendrer des troubles dépressifs.
Réunion d’un collège
Les députés ont tenté de renforcer la collégialité de la prise de décision. La version initiale de la proposition de loi d'Olivier Falorni (Groupe MoDem) prévoyait que le médecin, après avoir vérifié les critères d'éligibilité, recueille obligatoirement « l'avis écrit » d'un médecin spécialiste de la pathologie et d'un auxiliaire médical ou aide-soignant intervenant dans le traitement du malade. Les députés ont estimé, à une large majorité (112 contre 61) que la procédure devait être davantage collégiale, en votant un amendement du député Horizons et ancien ministre de la Santé Frédéric Valletoux : désormais, les avis écrits sont remplacés par la réunion d'un collège, composé a minima du médecin en charge de la demande, d'un spécialiste et d'un soignant impliqué dans le traitement de la personne.
Ce collège doit se réunir physiquement, et si c'est impossible, à distance. Et il peut, à son appréciation, recueillir l'avis d'autres personnes, comme d'autres professionnels de santé (c'était déjà le cas dans la version initiale). C'est seulement à l'issue de cette procédure collégiale que le médecin prononce sa décision.
Pour les plus farouches opposants, ce changement n'est que « cosmétique », comme a dénoncé le député Philippe Juvin. Ils ont tenté, sans y parvenir, d'ajouter un certain nombre de « garde-fous », selon leur expression : que la décision ne soit pas prise par le médecin, mais par le collège ; que la réunion ne puisse se tenir à distance, même en cas d'empêchement ; ou que le spécialiste ait obligatoirement examiné le patient. Le texte prévoit que le spécialiste ait accès « au dossier médical de la personne » et l'examine, « sauf s’il ne l’estime pas nécessaire ».
Le gouvernement a échoué de son côté à faire adopter un amendement prévoyant que le médecin recevant la demande d'aide à mourir consulte un psychiatre ou un neurologue dans le cadre de la procédure collégiale, « lorsqu'il a un doute sérieux sur le discernement de la personne ». Les opposants, comme Charles Sitzenstuhl (EPR), ont jugé imprécise la formulation, tandis que Sandrine Rousseau a fait valoir que les psychiatres ne sont « pas des spécialistes du discernement ».
Le gouvernement a en revanche obtenu le rétablissement d'un délai incompressible de deux jours entre la décision du médecin et la confirmation par le patient de sa demande.
Réévaluation de la volonté si la date est fixée trois mois après l’autorisation
Les députés ont ensuite étudié un article permettant au patient de choisir la date, le lieu et les personnes l'entourant au moment de l'administration de la substance létale. Un amendement du gouvernement adopté prévoit que le médecin réévalue la volonté libre et éclairée de la personne lorsque la date retenue intervient plus de trois mois après l'autorisation donnée, contre un an dans le texte auparavant.
La question du lieu a particulièrement été débattue. Plusieurs députés ont tenté en vain d'établir que l'administration de la substance létale soit effectuée dans un lieu dédié, qui ne soit pas un Ehpad ou un hôpital. « Ce lieu qui était pour la vie jusqu'au bout va devenir le lieu où (...) on reçoit la mort. C'est un changement important », a déclaré Dominique Potier (PS). « Beaucoup de soignants m'en ont parlé avec un peu d'émotion. » Mais d'autres députés se sont opposés à l'idée de déplacer des patients.
Un amendement prévoyant d'exclure les « voies et espaces publics » comme lieu possible pour l'administration a en revanche été adopté. Une position d’« équilibre » afin d'éviter toute « dérive », selon Olivier Falorni.
Les députés ont supprimé ce 23 mai une disposition selon laquelle les patients qui auraient recours à l’aide à mourir seraient « réputés décédés de mort naturelle ».
Les députés doivent achever l'examen en première lecture du texte ce week-end, avant un vote solennel le 27 mai, pour cette première lecture. Les deux PPL sur l’aide active à mourir et les soins palliatifs devront ensuite être examinées par le Sénat, puis une seconde fois dans chaque chambre.
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