Notre pays a connu ces trente dernières années une évolution radicale de son environnement technologique, écologique et international. La révolution numérique transforme notre façon de vivre, notre façon de travailler mais aussi l’exercice du pouvoir. Le nouveau monde qui émerge est un monde en réseau où le pouvoir ne s’exerce plus verticalement, à partir d’une hiérarchie, mais horizontalement, au cœur d’un réseau. Cette évolution touche toutes les organisations de la société : État, entreprise, associations, famille. La détérioration de notre planète a atteint un niveau sans précédent, qui aura des conséquences dramatiques sur notre humanité si on ne réagit pas maintenant et à grande échelle. À ces défis s’ajoute le défi démographique : la France aura une population de plus de 70 millions d’habitants en 2050, et la part des plus de 60 ans représentera un tiers contre un cinquième de la population au début des années 2000.
Face à l’émergence de ce nouveau monde, les pouvoirs publics ne sont pas restés inertes mais force est de constater que les réponses n’ont pas été à la hauteur des enjeux. Le plus souvent conçue en réaction à des crises financières ou sociales, la politique de ces dernières années en France n’a visé qu’à faire survivre des modèles surannés d’organisations économiques et sociales. Nous n’avons pas construit l’avenir mais colmaté le passé. Nous n’avons pas préparé la France aux défis du nouveau monde.
Nous payons au prix fort l’absence de réformes structurelles ces dernières décennies. La crise de confiance touche toutes les composantes de la société et la rupture entre les gouvernants et les citoyens est à son comble. Malgré ses atouts exceptionnels, La France n’a plus confiance en elle. La crise de notre jeunesse illustre ce malaise profond dans notre société. Non seulement notre pays ne sait plus garantir un avenir prometteur à sa jeunesse mais il leur laisse un fardeau financier colossal avec plus de 2 100 milliards de dettes publiques. La crise de confiance de la jeunesse de France est la marque de fabrique des politiques menées depuis trente ans.
Pour être gagnant et largement partagé par nos concitoyens, un projet global de réforme en France doit s’articuler autour de deux valeurs fondamentales : la liberté et la justice. La liberté est au service de la justice mais il n’y a pas de justice sans liberté. C’est en créant des espaces de libertés plus étendus pour tous les citoyens que nous construirons une France plus juste. Il faut libérer les énergies créatrices de notre pays. Quelle que soit sa profession - artisan, commerçant, agriculteur, médecin, artiste, entrepreneur, ouvrier ; quel que soit son statut - salarié, professionnel libéral, étudiant, retraité, chômeur en recherche d’emplois, mère de famille, membre d’une association -, notre idéal républicain fondé sur cette idée de liberté pour une France plus juste doit retrouver un sens et redevenir réalité. Ce n’est pas la liberté au bénéfice des plus forts mais la liberté au service de tous. Cette autonomie n’est pas un repli sur soi mais « un respect pour l’humanité » comme le disait Rousseau. Alors que la société industrielle avait quelque peu brisé cet élan humaniste et cette école de l’émancipation, la troisième révolution industrielle doit nous permettre de relancer cette vision humaniste et autonome.
Quatre chantiers prioritaires pour réformer la France
L’État français est à repenser dans son organisation et son fonctionnement, à l’intérieur de notre territoire comme à l’étranger. Plus décentralisé, plus agile, plus connecté et plus mobile, l’État est à recentrer prioritairement sur ses fonctions régaliennes et ses rôles de stratège et de régulateur pour préserver l’intérêt général.
Notre système de protection sociale doit évoluer vers un système universel et individualisé plus juste et plus efficace. Notre État providence, créé dans un monde qui n’existe plus, est à adapter au nouveau monde en donnant à chaque citoyen la capacité de gérer ses risques sociaux avec autonomie et en adéquation avec sa situation personnelle. La sécurité sociale restera un pilier solidaire majeur de notre protection sociale et un socle de démocratie sociale dans le nouveau système. La démocratisation des savoirs doit renforcer nos systèmes de santé et d’éducation nationale, dans lesquels la recherche de « plus de liberté pour plus de justice » s’exprime pleinement.
Nos sociétés postindustrielles resteront prospères uniquement si nous créons un écosystème propice à l’innovation et si nous valorisons davantage le travail et le risque entrepreneurial. Nous devons réformer notre marché du travail, pour le rendre plus flexible sans précariser, notre formation professionnelle pour l’intégrer dans le parcours de chacun, notre politique fiscale pour favoriser l’investissement et la création d’emplois.
Le défi écologique est de plus en plus pressant. Il faut réduire le contenu en carbone de la croissance et se montrer capable de se projeter dans le futur dès maintenant par des investissements ambitieux dans des infrastructures favorables à l’environnement et les énergies renouvelables. Nous ne concevons pas de préserver notre planète avec une approche malthusienne, qui se traduirait par une régression de la qualité de vie et des libertés pour les prochaines générations.
Cette France libre et juste est la France d’Alexis de Tocqueville, dont l’idéal démocratique est garant d’égalité et de mobilité sociale ; c’est la France de Jules Ferry avec la double quête de l’autorité de l’État et de l’autonomie de l’individu ; c’est aussi la France de Charles Péguy et de sa cité harmonieuse qui protège l’individu de toute forme d’asservissement du singulier au collectif !
Série sous la direction de Jean-Pierre Blum
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes