Comment détecter en temps réel les situations anormales, voire critiques, pour les patients fragiles âgés ou en situation de handicap, tout en préservant leur intimité, et sans être intrusif pour les soignants ? Tel est le défi qu’ont voulu relever les inventeurs d’une oreille numérique « augmentée » par l’intelligence artificielle (IA), nommée Oso-AI. La solution est constituée d’un boîtier placé dans la chambre et doté de micros et de capteurs couplés à des algorithmes, qui analysent en temps réel les sons et bruits suspects dans l’environnement du patient.
Il a fallu d’abord lever les doutes des équipes médicales. « Au départ je m’interrogeais sur l’éthique, confie la Dr Marie Lamandé-Pan, gériatre au CHU de Brest. Mais en aucun cas cette “oreille augmentée” n’écoute nos conversations dans la chambre avec les familles ou le résident ». De fait, cet hôpital a codéveloppé la solution Oso-AI, créée en 2018 par quatre ingénieurs français. Entraîné sur des millions d’échantillons sonores, le système – qui n’est pas un dispositif médical – permet de détecter les situations suspectes ou de détresse du patient comme la quasi-totalité des chutes (98 %) mais aussi des chocs, d’éventuels troubles respiratoires ou du sommeil, des vomissements, des appels à l’aide verbalisés ou encore l’intrusion d’une personne tierce.
Des alertes sont envoyées sur le smartphone/tablette des soignants permettant des interventions plus rapides. Dans le secteur médico-social, l’outil permet aux soignants d'économiser certaines rondes systématiques de surveillance nocturne auprès des résidents et de se recentrer sur la relation de soin. Les algorithmes sont capables d’analyser avec précision plus de 150 classes de sons et de bruits.
Alléger la surveillance et la charge mentale
Gériatres et directeurs d’établissement reçoivent un rapport d’alertes permettant de savoir, par exemple, si l’administration de tel médicament a eu un impact sur le sommeil. La Dr Françoise Duquesne, gériatre au CHU de Brest, salue cette oreille augmentée par l’IA et la reconnaissance sonore. « Il y a moins de ruptures de tâches et plus de sécurité pour les résidents comme pour les soignants qui savent qu’ils seront alertés au moindre incident. Sans compter que l’outil s’améliore et s’enrichit de nos propres réflexions. » « L’IA permet d’éviter les tâches répétitives, se félicite aussi la Pr Nathalie Salles, ancienne présidente de la Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG), membre du conseil scientifique d'Oso-AI. C’est la première pierre du changement dans l’organisation des soins et pour le métier même de soignant. Cela permet de se décharger d’un tas de données à réécrire ou à surveiller, de ne pas passer son temps à retransmettre des informations entendues dans la chambre. »
Outre les alertes, les blouses blanches peuvent recevoir des notifications descriptives permettant de savoir s’il s’agit d’un recours de confort ou d’un appel urgent, ce qui leur permet de prioriser leurs interventions. Une autre façon d’alléger la charge mentale. « Pour les soignants, il existe souvent cette injonction contradictoire de vouloir s’assurer que leurs patients sont en sécurité mais en même temps de respecter leur tranquillité et leur vie privée », analyse Morgane Liorzou, responsable marketing et communication d’Oso-AI.
Déjà récompensée par plusieurs prix et comptant une cinquantaine de salariés – ingénieurs en intelligence artificielle, data scientists, développeurs, etc. – Oso-AI, qui ne communique pas son chiffre d'affaires, espère équiper quelque 100 000 chambres en quelques années et vise l’international.
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