« Je suis tombé dans un trou de mémoire. Je sais que je ne vieillirai plus trop la vie à cause des vacances ». C’est en entendant sa grand-mère prononcer cette phrase que Samuel Petit, auteur et metteur en scène, décide de créer il y a trois ans, Deep Learning Amnésie Profonde. Il fait en effet le constat que les suggestions de phrases proposées par l’application de texte de son smartphone ressemblaient étrangement à la manière de s’exprimer de sa grand-mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer. « J’ai constaté par hasard que ma grand-mère perdait la logique dans ce qu’elle disait. Elle s’était mise à parler comme mon téléphone », se remémore-t-il.
Deep Learning Amnésie Profonde raconte l’histoire de deux patients atteints de la maladie d’Alzheimer, Betty, interprété par Rosalie Comby, et Boris, interprété par Thomas Mallen, qui sont pris en charge par un robot soignant, incarné par Morgane Vallée, dans une clinique. Petit clin d’œil de l’auteur : certains textes inspirés par sa grand-mère sont joués par le robot, tandis que des textes inspirés par son smartphone sont interprétés par les patients. L’un des deux réagit très bien à cette nouvelle technologie, l’autre très mal, et tout cela donne lieu à des situations farfelues.

« Ce face-à-face entre le malade et le robot, comme un miroir inversé, me taraude. Les humains atteints d’Alzheimer sont confrontés à la perte de leurs repères, à la perte de leur identité. Et face à eux se tient un robot sans souvenir, lui aussi confronté à la question de son identité. C’est une question profondément philosophique. Les deux finissent par se ressembler », explique Samuel Petit.
Plus qu’un simple message, l’auteur souhaite que le spectateur réfléchisse aux enjeux éthiques liés à l’intégration des robots dans le soin. « Ils entrent peu à peu dans les centres de santé et sont appelés à devenir un élément incontournable de la médecine. Mais plutôt que de les dénoncer — je ne suis pas technophobe, je reste neutre — j’ai envie de montrer ce que cela peut donner et d’inviter à une réflexion sur les implications de cette innovation », détaille Samuel Petit.
Une pièce corroborée par un travail scientifique
Ce n’est qu’à la fin de l’écriture de sa pièce qu’il rencontre Maribel Pino, directrice générale du Broca Living Lab, centre de recherche rattaché à l’université Paris Cité, en partenariat avec l’AP-HP. Ce laboratoire mène des travaux en gériatrie sur l’utilisation des nouvelles technologies dans la prise en charge des personnes âgées et l’accompagnement des professionnels de santé. « Nous expérimentons différents types de technologies, dont les robots d’assistance », lui confie alors Maribel Pino. En l’apprenant, l’auteur constate « à quel point on ignore le monde dans lequel on vit ».
Sa première question était : « Comment voit-on le monde quand on est malade ? », cette rencontre lui permet d’affiner certaines intuitions. « Ma rencontre avec le Broca Living Lab a confirmé mes intuitions, et ça, c’était super ! Pour approfondir mon travail, j’ai rencontré des psychologues, des ingénieurs et différents scientifiques spécialisés dans ces thématiques », explique Samuel Petit.
« Échanger avec Maribel m'a apporté des éléments intéressants : on dit souvent que le robot n’est pas là pour remplacer le soignant, mais pour l’accompagner ». Samuel, qui voulait avant tout mettre en garde contre les nouvelles technologies si elles ne sont pas encadrées par une éthique et des règles claires, s’en trouve rassurer. « Dans Deep Learning Amnésie Profonde, j’essaie de dévoiler ce qui se passe si une expérience est menée sans cadre. Dans la pièce, un scientifique introduit un robot et le laisse en autonomie avec des patients. Il est dès lors possible d’observer les conséquences d’une telle situation. Cela met en valeur le rôle des soignants et interroge sur notre conception du soin. »
Un centre de recherche qui explore l’apport des robots chez les personnes âgées
Les deux comédiens qui incarnent les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, Boris et Betty, ont également assisté à des interventions en présence de patients au sein du Living lab. Maribel se rappelle encore les expériences menées par une chercheuse avec un robot, et reconnaît que cela leur a permis de comprendre le degré d’interaction entre le robot et les patients.
Pour ces expérimentations, les chercheurs recourent à deux types de robots commercialisés. Le robot humanoïde PPR, par exemple, est testé dans le cadre des consultations mémoire. L’idée est d’exploiter ses capacités pour divertir les patients et leur fournir des informations générales. Sa présence favorise leur engagement, et lutte contre l’apathie fréquente chez les personnes atteintes d’Alzheimer.
Son langage, ses lumières et ses mouvements captent leur attention et encouragent l’interaction, ce qui représente une grande aide pour les professionnels de santé selon la directrice générale. Le robot devient l’assistant du soignant. Les séances peuvent également être personnalisées puisque le robot est programmable comme un ordinateur. Par exemple, il est à même de proposer des exercices de stimulation cognitive adaptés individuellement, ou d’aborder des thèmes qui intéressent chaque patient, explique avec enthousiasme Maribel Pino.
Cette pièce s’adresse à tous les publics ; elle se veut autant philosophique que sociale, et suscite déjà un vif intérêt, notamment auprès des étudiants en philosophie ou en soins infirmiers. Certaines séances sont déjà réservées et dédiées à des pensionnaires d’Ehpad. Ils se produiront du 1er février au 1er mars.
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