Reflux gastro-oesophagien

Quels examens au diagnostic ?

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Publié le 20/10/2020
En 2016, la classification de Rome IV avait défini précisément les différents phénotypes du reflux gastro-œsophagien (RGO). Quant au consensus de Lyon (1), formalisé en 2018 par des experts européens et américains, il clarifie non seulement les critères diagnostiques mais aussi la contribution des explorations complémentaires.
pHmétrie de 96 heures par capsule Bravo : l’examen effectué sans traitement montre très peu d’épisodes de reflux

pHmétrie de 96 heures par capsule Bravo : l’examen effectué sans traitement montre très peu d’épisodes de reflux
Crédit photo : DR

Le RGO est souvent diagnostiqué et traité de façon empirique, fondé sur l’interrogatoire et la spécificité des signes tels que le pyrosis, les régurgitations acides ou encore le syndrome postural. Par exemple, le pyrosis, défini comme une brûlure rétro-sternale ascendante, a une spécificité de 90 % pour le diagnostic de RGO. « Devant ces signes typiques et en l’absence de signes d’alarme, le diagnostic de RGO est clinique, sans nécessité d’examen complémentaire, résume le Pr Frank Zerbib (CHU de Bordeaux) et corédacteur du consensus de Lyon. En revanche, les explorations sont justifiées en cas d’échec du traitement médical (symptômes typiques réfractaires) ou d’incertitude diagnostique en présence de symptômes atypiques comme des brûlures épigastriques, des douleurs thoraciques rétro-sternales, une toux chronique, un asthme difficile à contrôler, des symptômes ORL (enrouement), une laryngite chronique. L’imputabilité du RGO dans ces symptômes pulmonaires ou ORL reste discutée, surtout en l’absence de symptômes typiques. Les signes laryngoscopiques (érythème pharyngo-laryngé) n’ont d’ailleurs aucune spécificité ».

Si un traitement « empirique » peut être le plus souvent proposé devant des symptômes typiques, les explorations complémentaires sont indiquées lorsqu’un diagnostic certain de RGO est requis pour guider les thérapeutiques (manque de réponse au traitement par IPP, bilan préopératoire avant fundoplicature en l’absence d’œsophagite ou postopératoire en cas de symptômes persistants ou apparus secondairement, symptômes atypiques).

Endoscopie, pH-métrie, pH-impédancemétrie : Quand prescrire ?

L’endoscopie oeso-gastro-duodénale (EOGD) permet de rechercher un diagnostic différentiel ou des complications. Seules les œsophagites de grade C/D de la classification de Los Angeles, un œsophage de Barrett d’au moins 1 cm, et une sténose peptique attestent d’un RGO pathologique. Les biopsies permettent d’éliminer une éventuelle œsophagite à éosinophiles. Attention, les traitements par IPP instaurés en amont de l’examen permettent la cicatrisation de la plupart des œsophagites.

Réaliser un examen, pH-métrie ou une pH-impédancemétrie, sans traitement permet de poser le diagnostic de RGO, en cas d’absence d’œsophagite significative ou d’œsophage de Barrett de plus de 1 cm. Pour sa part, un examen sous traitement tente d’expliquer la persistance de symptômes en cas de RGO prouvé préalablement. Une pH-impédancemétrie sera alors indiquée, sous double dose d’IPP afin de détecter les reflux non acides.

Quant à la pH-métrie, elle établit le diagnostic positif du RGO en détectant et quantifiant les épisodes de reflux. Le paramètre essentiel est l’exposition acide de l’œsophage sur un enregistrement ambulatoire de 24 heures. L’exposition acide est considérée comme pathologique si elle est supérieure à 6 % et normale si elle est inférieure à 4 %. La pH-métrie permet également d’analyser la concordance entre les symptômes ressentis et les épisodes de reflux.

La pH-impédancemétrie indique, « en plus du pH, la nature liquide ou gazeuse du contenu de l’œsophage, ajoutant la détection de reflux peu ou non-acides acides à celle des reflux acides, précise le Pr Zerbib. Elle informe également de l’extension proximale des épisodes de reflux. Pratiquer cet examen sous traitement est préconisé en cas de persistance de symptômes sous IPP chez des patients dont le reflux pathologique a été préalablement documenté ». La présence de moins de 40 reflux totaux et d’une exposition acide < 4 % permet d’éliminer un RGO pathologique. Au-delà de 80 reflux/24 h, le RGO est considéré comme pathologique. « Cette exploration fonctionnelle permet de déceler un reflux acide persistant chez 10 % des patients symptomatiques sous IPP, poursuit-il. Chez 30 à 40 % des patients, elle relie les symptômes à des reflux non ou peu acides. Cependant, plus d’une fois sur deux, les symptômes non soulagés par les IPP ne peuvent être attribués à un reflux, qu’il soit acide ou non. La pH-impédancemétrie sous traitement peut aider à sélectionner les bons candidats à la chirurgie en cas de symptômes de reflux réfractaires ».

La « zone grise »

Comment conclure dans le cas de la « zone grise » d’exposition acide entre 4 et 6 %, d’œsophagite de bas grade, d’un nombre de reflux compris entre 40 et 80 mais aussi d’index symptomatiques discordants ? Il est possible de s’appuyer sur d’autres examens, tels l’impédance basale nocturne et l’index PSPW (« Postreflux swallow-induced peristaltic wave ») mesurés sur les tracés impédancemétriques, l’histologie œsophagienne, la dilatation des espaces intercellulaires ou la présence en manométrie d’une hernie hiatale, d’une hypotonie de la jonction œsogastrique et/ou des ondes œsophagiennes témoignant d’une motricité œsophagienne inefficace.

(1) Gut. 2018 Jul;67(7):1351-1362. doi: 10.1136/gutjnl-2017-314722. Epub 2018 Feb 3.

Hélène Joubert

Source : lequotidiendumedecin.fr