La rentrée, c'est pas le pied ? Si les écoliers français le disent haut et fort, les généralistes ne sont pas loin de partager cette opinion. Le Généraliste vous a sondé pour savoir si vous étiez plutôt stressé ou pressé à l'idée de reprendre et force est de constater que l'enthousiasme ne domine pas. Pourtant, plutôt qu'une anxiété spécifique à la période, on constate surtout un ras-le-bol généralisé.
Boule au ventre, angoisse de la reprise… Pas si simple le retour des vacances… Les généralistes ne font pas exception. Notre coup de sonde, réalisé sur le generaliste.fr à la fin de l’été, révèle qu'ils ne sont pas plus enthousiastes que les autres, bien au contraire, à l'arrivée du mois de septembre.
Premier constat, l’effet vacances ne semble pas avoir atteint les généralistes. Interrogés sur leur état d’esprit à l’approche de la rentrée, seuls 29 % d’entre eux se déclarent « reposés, dispos, dynamiques ». Ils sont, en revanche, plus nombreux à se sentir « stressés, inquiets et nerveux » (31 %). Quant aux autres (40 %), le moral est ni plus ni moins le même qu’à n’importe quelle période de l’année.
Pas vraiment d’« effet vacances » donc, alors qu'il faut reprendre le collier ? Pour certains, la première explication est peut-être à chercher simplement dans l’insuffisance de congés. « Je ne vois pas comment je pourrais penser à la réouverture du cabinet puisque je n'ai pris que 5 jours de repos sur ces 2 mois d'été (…) En fait il n’y a pas de "rentrée", juste la "continuité" », confie ainsi, depuis les Alpes-Maritimes, le Dr Joachim Mailler,
45 ans. Même écho de la part de cette généraliste de 56 ans du Doubs qui explique connaître des « difficultés à trouver des remplaçants » et, par conséquent, n’avoir pris « que dix jours de congés depuis le début de l’année ». Le non-remplacement des confrères impacte bien évidemment ceux qui n’ont pas pris de vacances : « Il n’y a pas eu d’accalmie pendant l’été », partage ainsi cette généraliste de 60 ans d’Indre-et-Loire qui se déclare déjà « fatiguée avant le rush de la rentrée ».
Déprime post-estivale
Et pour les plus chanceux, qui se sont arrêtés, la rentrée ne se fait pas non plus avec beaucoup d'entrain. Si, pour certains, il n’est de toute façon « jamais drôle de reprendre après les vacances… », d’autres vont jusqu’à parler de « découragement », d’« épreuve », d’« envie de fuir » ou de « poursuite du déclin ». Des mots forts qui dessinent un paysage de la profession en clair-obscur. C'est plus une confirmation qu'une révélation, d'ailleurs. L'an passé à la même période notre rédaction web les avait questionnés : « Après les vacances, êtes-vous impatients de retrouver vos patients ? » La réponse était « Non » pour 33,8 % des répondants, « Bof » pour 43,5 % et « Oui » pour seulement 22,7 % d'enthousiastes... Même impression pour septembre 2017 : interrogés sur leur principal facteur de satisfaction à la rentrée, 27 % des généralistes citent tout de même « la reprise des échanges et de la vie sociale » et 15 % « le sentiment de l’utilité collective retrouvée », mais un plus grand nombre d’entre eux (38 %) ne trouvent aucune raison de se réjouir de cette reprise.
Ras-le-bol généralisé et TPG
Pourquoi tant de morosité au sortir de l’été ? Plutôt qu’un état d’esprit propre à cette période de l’année, il faut surtout y voir un signe du moral général de la profession. Ce généraliste de 49 ans qui exerce dans le Rhône résume ainsi la situation : « Une nouvelle année le nez dans le guidon ». Un de ses confrères de 57 ans de Dordogne évoque un « ras-le-bol » provoqué par « trop de dénigrement ». Quant au Dr Pascal Hatiez qui exerce en Seine-Saint-Denis, il parle d’une « surcharge de travail » liée aux « déserts médicaux ». Un de ses confrères de 56 ans du même département difficile pose lui aussi cette équation : « baisse de l'offre médicale », « augmentation constante de la population », donc « risque élevé de burnout ».
En fait, c'est aussi le contexte auquel fait face la profession qui pèse sur cette reprise. À commencer par certaines réformes redoutées. Ainsi, trois mois avant l'ultime phase du TPG, nombre de praticiens citent ce chantier comme source d’inquiétude. « Le principal tracas qui devrait tous nous unir c’est bien le retour en force du TPG. Le reste, c’est juste notre quotidien », estime ainsi un généraliste qui exerce en milieu semi-rural en Meurthe-et-Moselle. Une de ses confrères des Hautes-Alpes voit aussi dans cette réforme une source « d’angoisse ». Au-delà, le changement politique tracasse aussi. Témoin, Philippe Bonelle, généraliste dans la Somme qui prépare la rentrée « en attendant les mesures de 2018 et la nouvelle politique de rationalisation des soins un peu stressé mais il fallait s'y attendre ».

Ni pire ni mieux que les précédentes
Dans ce contexte un peu particulier, une immense majorité (70 %) estime que cette rentrée se présente « ni mieux, ni moins bien », qu'à l'habitude. Mais un généraliste sur cinq (21 %) la perçoit « moins bien que d’habitude ». Faut-il voir dans ce constat un certain fatalisme de la profession ? Et, de la même manière, peut-on en conclure que le stress des généralistes serait donc un état permanent et que la rentrée ne changerait rien à l’affaire ? Possible si l’on en croit certaines réponses données par les médecins à notre enquête. Ce généraliste héraultais de 67 ans parle d’« une période comme une autre ».
Et, de fait, les deux tiers des sondés considèrent que leurs patients ne sont pas différents à la rentrée par rapport aux autres périodes de l’année. Une large majorité, donc, par rapport à ceux qui les voient comme plus stressés (19 %) ou, au contraire, plus détendus (16 %). Quant à le comparer aux autres périodes de l'année, l’automne n’est d'ailleurs cité comme période la plus redoutée que par 18 % des praticiens, à égalité avec le printemps « avec la déclaration d’impôt », mais très loin derrière l’hiver et l’« épidémie de grippe » craint par 58 % des répondants.
Le retour du casse-tête administratif
i la rentrée n’est pas forcément le pire moment de l’année des généralistes, elle n’en reste pas moins une saison à part. En effet, pour 58 % d’entre eux, il ne s’agit pas d’une période de travail comme les autres. En première position des tâches pénibles des médecins au mois de septembre, 39 % évoquent le « retour des tracasseries administratives ». Telle cette consœur de la Manche qui explique craindre en rentrant « la paperasse accumulée pendant le congé à lire, remplir, classer ou gérer ». Au-delà de la pile de courrier, les retrouvailles avec les patients ne donnent pas forcément à tous les praticiens envie de reprendre le turbin. Cela semble le deuxième facteur de stress à la rentrée (22 %). Ce généraliste girondin qui travaille en banlieue appréhende, par exemple, une surcharge liée à des « patients non désireux de voir la remplaçante » pendant les vacances. Un de ses confrères parisiens note d’ailleurs que le stress des patients est lui aussi « grandissant ». Le mois de septembre ne réjouit donc personne et surtout pas les patients qui peuvent le faire ressentir à leur médecin traitant avec un « retour des patients stressés par les horaires d'école », décrit un généraliste de l’Oise.
D’autant plus que rentrée rime avec certificats, un pensum placé en tête des désagréments de la reprise par 18 % des sondés - et qui sera peut-être amplifié par les nouvelles règles du jeu (voir p. 16). Les journées des généralistes à l’automne sont rythmées par « beaucoup de demandes de dernière minute toujours très pressantes pour le patient », résume ainsi un généraliste varois de 49 ans. Enfin, comme tout le monde après les vacances, la rentrée est aussi le moment pour les médecins de famille de s’inquiéter de l’état de leurs finances. « L’équilibre économique du cabinet » est ainsi la préoccupation numéro un de 11 % des répondants. « La trésorerie est au plus bas, les frais vont s'accumuler : impôts sur le revenu, impôts locaux, charges habituelles. Il faut prévoir longtemps à l'avance et ne pas avoir d'imprévu », résume un praticien de Seine-Maritime.
Un nouveau cycle malgré tout
Rentrée rime donc parfois avec anxiété, mais elle peut être aussi l’occasion de revoir son organisation. Une majorité de la profession (54 %) en profite pour changer peu ou prou sa façon de travailler. 24 % confient ainsi en avoir profité pour modifier leurs créneaux de consultations, la même proportion en a profité pour ranger le cabinet ou les dossiers, 11 % ont réalisé une nouvelle association avec un ou des confrères, 9 % ont changé de lieu d’exercice et 8 % ont aménagé leurs locaux. Le Dr Philippe Lasfargues, qui exerce en Haute-Garonne, voudrait en profiter pour « améliorer la prise en charge des urgences des 3e et 4e âges » et une de ses consœurs du Bas-Rhin espère une meilleure « communication avec les autres professionnels de santé, particulièrement les pharmaciens ». Quant à cette collègue parisienne, elle souhaite « se trouver du temps libre et dire non aux exigences de certains ». De bonnes intentions pour démarrer la nouvelle année scolaire du meilleur pied.