Vu par le Dr Hervé Maisonneuve

Sauvegarder la qualité de l’information : une urgence !

Publié le 04/10/2024
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Une inquiétude générale et profonde a été mise en évidence par les États généraux de l’information. Nous sommes tous concernés par la désinformation et l’attention donnée aux opinions plutôt qu’aux faits. L’information est la première arme pour lutter. Les revues scientifiques, sources primaires de l’information, devraient être plus écoutées dans cette cacophonie.

Crédit photo : DR

Protéger l’information libre face aux ingérences était l’objectif des états généraux de l’information (EGI) initiés en octobre 2023 par le président de la République. Le rapport prévu en juin 2024 a été publié en septembre… Compte tenu de l’activité politique du mois de juin. On y trouve de bonnes idées, mais seront-elles suivies de décisions ? Les EGI ont pris en compte les médias et les journalistes, mais pas la presse d’information spécialisée (de la santé à l’agriculture, au climat, à la physique, etc.) alors qu’elle est la source primaire des données scientifiques validées.

Le rapport des EGI (352 pages) témoigne d’un important travail avec beaucoup d’auditions de citoyens, d’experts et au final 15 propositions de bon sens. La première est rassurante : « Faire de l’éducation à l’esprit critique et aux médias à l’école une priorité ». Pourquoi s’arrêter à l’école ? Il faudrait former à l’esprit critique tous les citoyens, y compris les professionnels de santé… Vaste programme. Les deux recommandations aux professionnels de l’information (journalistes et médias grand public) sont : 1) la profession devrait s’engager dans une démarche volontaire et plurielle de labellisation ; 2) la profession devrait commencer à construire un outil de gestion collective pour les médias d’information.

En parallèle aux EGI, 30 députés ont apporté une contribution pour préparer un projet de loi. Leur rapport « Tous citoyens de l’information : les 100 propositions des députés de la majorité présidentielle » se décline en trois parties : 1) l’information à l’heure du numérique : faire confiance dans un univers de surinformation ; 2) le statut des journalistes : recréer du lien avec les citoyens et sécuriser les parcours ; 3) pluralisme et indépendance des médias : un enjeu démocratique de premier plan.

Mais pourquoi les professionnels de l’édition spécialisée ne saisiraient pas l’opportunité pour réfléchir aux sources primaires de l’information ?

Est-il possible de “labelliser” les revues scientifiques ?

Les revues françaises sont peu concernées par rapport aux revues de langue anglaise à comité de lecture. Les revues sont confrontées aux incitations du ‘Publish or Perish’, au modèle économique de l’auteur-payeur (disparition de l’abonnement… Les revenus sont liés au volume d’articles acceptés), au mauvais fonctionnement de l’évaluation par les pairs (peer-review). Compte tenu des dérives de la gestion des savoirs, il faudra bien faire le ménage. Pour une meilleure diffusion des informations validées, les revues font des efforts en publiant parfois des résumés pour le public. Elles ne doivent pas rester des bastions opaques car leurs rôles sont importants (enregistrement, évaluation, diffusion et archivage des savoirs).

Les revues scientifiques ont un rôle important (enregistrement, évaluation, diffusion et archivage des savoirs)

Nos députés et gouvernants n’ont pas de possibilité de se mêler des problèmes des revues scientifiques. La profession devrait s’autoréguler. Est-il irréaliste d’envisager une labellisation, sorte de guide Michelin des revues. La seule indexation dans une base et l’obtention d’un facteur d’impact ne sont plus des critères de qualité. Un rapport, signé par environ 150 Académies des sciences (2022), suggère une certification ! La liste française des revues recommandées par la conférence des doyens de médecine est une première avancée… Elle répertorie 3 400 revues pour publier en médecine… C’est déjà beaucoup parmi les 35 000 à 50 000 revues.

Les algorithmes ont pris le pouvoir et l’objectif serait de le reprendre

Car, n’oublions pas un autre facteur : le développement des technologies d’intelligence artificielle. Comme le souligne le dossier de presse des EGI qui dès son introduction alerte : « Il y a urgence : l’information, récit du réel indépendant, vérifié et engageant la responsabilité de celui qui la produit, est menacée et marginalisée. Les journalistes, dont c’est le métier, et les médias d’information, dont c’est l’activité, sont paupérisés. L'espace public est polarisé par une force nouvelle, celle des algorithmes et leurs effets d'accélération et d'amplification, notamment sur les réseaux sociaux… Le déploiement de l’intelligence artificielle (IA), et plus précisément des intelligences artificielles génératives va encore accroître le poids des algorithmes ».

Lien d’intérêt – L’auteur est membre du groupe d’experts de la liste des revues des doyens de médecine.


Source : Le Quotidien du Médecin