Très régulièrement les médias pointent du doigt les difficultés de fonctionnement des services d’urgence hospitalières. Une vidéo envoyée par des pompiers a montré, il y a quelques semaines de cela, la longue file d’attente de patients sur des brancards, patients refoulés à l’extérieur du service des urgences du CH de Perpignan. En fait cette situation est due à la trop forte affluence au sein de cette unité. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer cette situation jugée par certains insoutenable. Un acteur de cinéma a même pris la parole pour donner son point de vue sur cet état de fait.
Des urgentistes méritants
Avant toute chose il est fondamental, pour mieux comprendre cette triste réalité de se pencher sur le travail des professionnels de santé qui œuvrent au sein des urgences. Il me paraît à ce titre difficile d’en parler sans les avoir côtoyés, et sans partager leur quotidien.
Ayant modestement travaillé (pas plus d’une journée par mois) en tant que vacataire (je continue d’ailleurs d’y aller régulièrement) dans cette unité, j’ai pu constater plusieurs choses concernant les médecins du service :
- Les urgentistes ne déméritent pas il faut le dire, et sont sur la brèche en permanence avec des amplitudes de pause très réduites (souvent elles sont inexistantes ou de très courte durée).
- Ces professionnels, très engagés dans leur travail, sont soucieux du bien-être des patients qui leur sont confiés. Ils font tout leur possible pour améliorer l’état de santé des malades confiés.
- Ils font preuve d'une abnégation totale concernant leur propre situation. Ils masquent leur fatigue ou leur stress qu’ils tentent de balayer d’un revers de manche pour avoir en tête la performance.
- Ils acceptent sans broncher des conditions déplorables de restauration (manque de couverts, qualité des plats proposés qui laisse à désirer…) lors de leur courte période de repos nécessaire pour charger « les batteries » ; situation montrant le mépris des administratifs dont les effectifs sont en constante augmentation.
- Ils doivent remplir des dossiers de plus en plus complexes et indigestes, cela grâce à la « sagacité » des administratifs qui trouvent toujours matière à demander plus d’informations souvent peu utiles, ou doivent jongler avec les bizarreries imposées par des informaticiens (cas des arrêts de travail qui nécessitent le recours à un système très peu intuitif).
Une fréquentation qui doit poser des questions
Très fréquemment les journalistes pointent du doigt, dès lors que le sujet de la surfréquentation des urgences est posé, la problématique de la pénurie des généralistes. Ces professionnels ne prennent plus ou pas en charge les soins non programmés selon les médias.
Lorsque j’enfile ma blouse pour épauler mes confrères, je suis souvent basculé vers le secteur des « valides » ; autrement dit des personnes ayant des problèmes nécessitant une prise en charge rapide (sutures, fractures…) et simple. Je (il en est de même pour les urgentistes ou autres vacataires qui me succèdent) travaille parfois (ce n’est pas le cas le soir) avec le concours d’un interne.
La durée d’attente des patients est de quelques heures (moins de quatre heures), et dans 90 % des cas à l’issue de la prise en charge ces personnes sont réorientées vers leur domicile. La situation pour les patients allongés sur les brancards est bien différente (durée d’attente très importante, et nombre de patients arrivant dans ce secteur énorme). En effet ces derniers, il ne faut pas le cacher, ont une moyenne d’âge bien supérieure à 60 ans. Leur orientation fait suite à des problématiques liées à des pathologies lourdes ou ne permettant pas un maintien à domicile.
Notre département des Pyrénées-Orientales attire les retraités de toute la France qui cherchent le soleil. Quelques années après leur arrivée, ces « nouveaux venus » deviennent dépendants, et n’ont plus la ressource de demander une aide à leurs enfants qui sont restés dans leur région d’origine. De ce fait une petite décompensation cardiaque (c’est un exemple de pathologie fréquemment observée) ne permet pas un maintien à domicile. Or, après avoir effectué un bilan complet (cela nécessite du temps), la personne âgée doit attendre sur son brancard une place dans un service. Malheureusement, et c’est là que le bât blesse, le nombre de lits disponibles se réduit comme peau de chagrin, et l’urgentiste doit passer beaucoup de temps à trouver une place pour le patient.
Parfois il est même impossible de réorienter le malade
De ce fait, il reste durant une demi-journée, voire une journée entière, sur un brancard aux urgences. Aussi, il me semble important de rectifier certaines idées que les médias distillent, en incriminant trop facilement les libéraux. Les problématiques liées à la surfréquentation des urgences ne sont pas nécessairement en liaison avec les consultations de ville non programmées refusées par de nombreux praticiens, mais plutôt en rapport avec une frange de la population qui ne peut plus rester à domicile.
Aussi afin de désengorger les urgences il est fondamental de trouver des solutions pour assurer un maintien des personnes âgées à domicile ayant des problèmes de santé. Malheureusement il faut dans ce cas mettre la main au portefeuille, ce qui n’est en cette période de vaches maigres pas nécessairement concevables pour les politiques de tout poil.
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