Courrier des lecteurs

Quelques réalités concernant les soins palliatifs

Publié le 29/09/2023
Article réservé aux abonnés

Depuis quelques mois politiques, et associations de tout poil, ne cessent de discuter de l’opportunité de légiférer sur l’euthanasie. En parallèle certaines structures militantes pour les soins palliatifs ne cessent de répéter à l’envi qu’il est nécessaire de donner plus de moyens aux unités en charge des patients en phase terminale.

Doit-on écouter, et adhérer aux propos de ces deux groupes opposés ?

Deux camps s’opposent, et leur argumentation peut être un motif de discussion :

1/ Les partisans des soins palliatifs veulent obtenir plus de moyens matériels pour assurer une prise en charge correcte des patients en phase terminale.

Je suis un ardent partisan des soins palliatifs depuis mon installation. À ce titre j’ai toujours milité pour que les patients puissent finir leur vie dans le confort de leur logement avec leurs proches. Bien entendu cette situation n’est pas toujours possible, et ce d’autant plus que le support familial est parfois fragile ou inexistant.

Cependant, dès lors qu’une participation des proches est possible, nous avons en collaboration avec les autres soignants (infirmiers, aides soignants, mais aussi aides ménagères) pu assurer un accompagnement de qualité. Je ne souhaite pas valoriser nos actions de manière démesurée, mais je reconnais qu’en travaillant la main dans la main, nous pouvons nous enorgueillir de procurer une fin de vie digne aux patients en phase terminale.

Néanmoins pour arriver à cette situation nous devons reconnaître que cela nécessite beaucoup de temps, ce qui nous manque souvent actuellement du fait d’une pénurie de médecins. Je comprends donc fort bien qu’une grande majorité de collègues refusent de suivre ces patients.

Ainsi certains patients souffrent du manque de soins de qualité dû à la non implication des professionnels de santé. Cette situation me perturbe souvent, surtout lorsque je suis appelé la nuit ou le week-end lors de mes gardes (certains médecins assurent encore des gardes durant les périodes non ouvrables [sic]).

Tenter en peu de temps de régler des problématiques complexes, et souvent psychologiquement mal vécues, est très déstabilisant. Cela est d’autant plus difficile lorsque le collègue en charge du patient est absent, ou fait comme certaines unités de soins palliatifs mobiles du « saupoudrage » durant les périodes ouvrables où la personne en fin de vie ne se plaint pas nécessairement d'un certain inconfort.

Assurer une prise en charge d’un patient en phase terminale, c’est une implication de jour comme de nuit de la part du médecin qui le connaît le plus souvent parfaitement. Bien évidemment les jeunes générations refusent une telle abnégation, et même si leurs connaissances sont de qualité, ils ne souhaitent pas sacrifier leur vie privée.

Je comprends parfaitement cette vision, mais parfois il est utile pour le bien du patient de savoir collaborer avec d’autres professionnels de santé pour déléguer certaines tâches, cela évitant des visites intempestives ou des appels de nuit qui peuvent être gérés par ces soignants aguerris aux problématiques des soins palliatifs.

D’autre part je me rends compte que les places (on est parfois obligé de demander une hospitalisation en cas d’épuisement des aidants) dédiées aux soins palliatifs sont rares, et il est souvent impossible d’avoir une réponse adaptée suite à une détresse familiale.

2/ L’euthanasie est une manière simple d’abréger la vie d’un patient dont les conditions de santé ne peuvent s’améliorer.

Cependant de quelle manière est-il possible de dire chez certains patients que leur état de santé est critique ? En effet, dans certaines circonstances la dépression peut masquer une réalité qui doit être prise en compte : la volonté de vivre.

De plus, il est important dès lors que nous souhaitons légiférer sur ce cas de figure, de bien encadrer les comportements des patients parfois lunatiques, des familles pas nécessairement bienveillantes, et des praticiens qui excédés pour certains préfèrent la solution finale plutôt que de réfléchir à d’autres modes de prise en charge.

L’euthanasie, même si elle est pratiquée dans d’autres pays, nécessite la pose de garde-fous pour éviter des abus.

Se défausser d'une situation économiquement très coûteuse

Toujours est-il que les politiques veulent depuis quelques années « prendre en compte » la problématique de la fin de vie.

Cependant, j’ai la nette impression que cette implication a uniquement pour but de se défausser d’une situation économiquement très coûteuse. En effet en acceptant d’adhérer à la proposition de légiférer sur l’euthanasie, l’exécutif souhaite réduire le coût des soins palliatifs de qualité, non négligeable.

Malheureusement nombreux seront les patients qui devront accepter de mourir sans recevoir des soins de qualité, cela car ils ne seront pas pris en compte par un plan budgétaire des soins palliatifs.

Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans « Le Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à aurelie.dureuil@gpsante.fr

Pierre Frances, Médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer (66)

Source : Le Quotidien du médecin