La crise a commencé à bas bruit, il y a plus de 50 ans, dès mai 1968 avec la réforme des universités. Elle a eu des conséquences imprévues et décalées dans le temps, amplifiées par les décisions politiques qui ont suivi. Voici cinq ordonnances à appliquer sur le système aujourd'hui.
Ordonnance n° 1
Libérer les soignants de l’administration et des tutelles politiques
Pour rebâtir une maison et pour qu’elle ne s’écroule pas il faut un savoir-faire et une volonté, ce qui nécessite un changement radical des acteurs. Il faut commencer par ses fondations, c'est-à-dire les études médicales et la formation des soignants. Malheureusement certains doyens des universités pour protéger leur précarré ne veulent pas réformer le cycle des études de médecine qui reste prisonnier du LMD.
Tout le système universitaire, hospitalier et organisationnel doit être simplifié avec moins de personnels administratifs et moins d’agences. Cela donnerait avec la lutte contre les fraudes, les budgets nécessaires pour revaloriser les soins et remotiver ses acteurs.
La réforme des études de médecine est la mère de toutes les batailles. Malheureusement chaque réforme a amené le pire.
La plus grave à mon sens est d’avoir détruit l’élitisme lors de la sélection des étudiants en supprimant les concours. Ils donnaient accès à une très bonne formation tout en sélectionnant les meilleurs et les plus motivés.
Le LMD et la culture woke ont contaminé le début des études de médecine. Le Pass/Las est un échec. La Las (Licence accès santé) a une durée de trois ans. Si elle permet d’éviter l'échec, elle retarde en cas de réussite l’accès au deuxième cycle, ce qui allonge le cursus de deux ans.
Le but de la licence avec des oraux était de diversifier les recrutements. La sélection en se « diversifiant » a multiplié le nombre d’étudiants qui veulent « un vrai confort d’exercice ». Les spécialités sans gardes et sans urgences sont choisies en priorité par les mieux classés à l’ECNi.
La médecine générale et les spécialités lourdes sont boudées. De plus en plus d’étudiants veulent un travail à temps partiel ou le salariat. Le numerus clausus est donc inadapté d’autant que 20 à 30 % des étudiants envisagent de changer de voie à l'aune des nouvelles contraintes.
Conséquences du salariat et du temps partiel, de plus en plus souhaités, le temps consacré aux soins est d’autant plus diminué. Il est de plus amputé par les tâches administratives. À ce rythme il y aura de moins en moins de médecins libéraux accessibles malgré le renfort de nombreux médecins étrangers.
Si rien ne change, il faudra doubler le nombre d’admis lors du deuxième cycle. Cela serait possible avec les téléconférences, l’ouverture de facultés libres et plus de stages formateurs en secteur libéral mais est-ce souhaitable ?
Ordonnance n° 2
Sortir du LMD
Sélectionner les étudiants sur l’élitisme et non sur la cancel culture. Augmenter leur nombre.
Le deuxième cycle ne permet plus une bonne formation car il y a trop de cours théoriques et pas assez de stages de qualité. Rien ne prépare les internes à leur fonction. Elle est d’ailleurs en train de disparaître avec le repos compensateur, les activités limitées à 48 heures par semaine et la fermeture des salles de gardes.
Le législateur a imposé une quatrième année d’internat dans les déserts pour les futurs médecins généralistes.
La quatrième année d’internat pour les IMG. C’est un tollé et 30 % des étudiants interrogés sur cette réforme envisagent de changer de voie.
Les internes peuvent refuser cette quatrième année de MG et saisir le Conseil d’État. Ils peuvent aussi passer leur thèse et s'installer. La soutenance de la thèse se fait au plus tôt après validation de trois semestres de formation, et au plus tard trois années après l’obtention du DES.
Après le vote par l’Assemblée de cette quatrième année pour les IMG c’est maintenant l’Académie de médecine qui s’en mêle. Elle propose une « mesure phare » qui a fait bondir la jeune génération déjà traumatisée par toutes les contraintes : « un service citoyen médical d'un an pour tout médecin nouvellement diplômé ».
Cette mesure devrait être maintenue « tant que la situation l'exigera ». Piloté directement dans les territoires par les agences régionales de santé (ARS), en coordination avec les facs de médecine, ce service se ferait « dans le cadre d’un salariat et en utilisant les infrastructures mises à disposition ».
Les internes sont payés 2 000 € en moyenne avec des temps de travail toujours dépassés avec les gardes. Ils ont déjà rendu ce service pendant leurs 10 ans à l’hôpital. Cette proposition est digne d’Ubu.
Ordonnance n° 3
Réformer l'internat
La pénurie de médecins va s’aggraver car cette décision retardera les installations et les étudiants se détourneront de cette spécialité. C’est une contre-vérité de faire croire qu’il faut 10 ans pour former de bons généralistes.
Des jeunes seront toujours attirés par un métier sans chômage. Ils se contenteront d’un salaire pour des semaines de moins de 45 heures ce qui amputera le temps consacré aux soins.
La solution serait de faire commencer l'internat de MG en cinquième ou sixième année avec des stages de six mois en petite chirurgie et en médecine générale. L'ECNi serait maintenu pour le choix définitif de la spécialité.
Les internes pourraient avec cette réforme participer plus tôt aux urgences ou faire des remplacements.
L'internat de MG serait avancé ce qui permettrait d'avoir près de 4 000 médecins de plus sur le marché. En peu de temps les déserts seraient résorbés. La prise d’un poste d’assistant serait avancée d’un an ce qui permettra l'accès au secteur II et l’installation.
Ordonnance n° 4
Simplifier l’administration
Simplifier l'administration et recentrer les responsabilités autour du chef de service enfin supprimer les pôles.
Ordonnance n° 5
Agir sur les rémunérations
Redéfinir les postes de PH et de PUPH en sortant leur rémunération de la grille des salaires des fonctionnaires.
Avec ce traitement de choc on pourrait sortir de la crise en moins de cinq ans mais est-ce leur but ?
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