Il y a quelques semaines de cela un confrère gynécologue a refusé de recevoir une personne transsexuelle. Ses propos ont fait la joie de certains journalistes qui se sont empressés de relayer certaines de ses phrases pas nécessairement très adaptées, et qui pouvaient quelque peu choquer.
Les commentaires effectués sur les réseaux sociaux des soignants sont souvent repris par les médias qui aiment critiquer les médecins (le plus souvent des praticiens libéraux qui sont considérés comme des nantis).
Il est certain qu’actuellement il est important pour un professionnel de santé de ne pas polémiquer sur le comportement d’une ou d’un patient. Le but des soignants est avant tout d’être à l’écoute, et de mettre ses compétences au service des personnes qui nous sont confiées. À ce titre, et du fait d’une grande diffusion des éventuelles réflexions sur les réseaux sociaux, nous devons être prudents quant à notre manière d’agir.
La situation vécue par le confrère est parfois superposable à celle à laquelle certains politiques sont confrontés sur certaines plateformes. La langue française est très riche, mais elle a le travers de conduire à certaines interprétations pas voulues par celui qui a rédigé son manifeste.
Les médecins sont des femmes ou des hommes qui peuvent être fautifs dans leur manière de répondre aux patients car ils ne sont pas des dieux. À ce titre dans certains cas de stress ou de surmenage, certains propos peuvent aller au-delà de notre (je suis également de ceux-là) façon réelle de nous comporter en général. Nous faisons souvent amende honorable, et nous nous excusons le plus souvent ce qui permet de rétablir une situation jugée par les autres et nous-mêmes parfois incorrecte.
Une situation qui aurait pu être gérée avec plus de tact
Dans le cas de notre confrère, ses compétences (il l’a bien argumenté par ailleurs) n’étaient pas en accord avec les soins demandés. D’ailleurs les deux présidentes de l'association Femellistes (Mmes Moutot et Stern) se sont exprimées de manière très juste au sein d’une chronique d’un grand quotidien national. Elles expliquent que les hommes transféminins (cas qui a été à l’origine de la polémique relatée par les journalistes) doivent être suivis de manière correcte en ce qui concerne leur santé tout comme chaque citoyen français.
Cependant le suivi nécessite souvent une prise en charge par des professionnels de santé aguerris à leur situation.
En effet ces personnes (je ne souhaite pas par ce terme avoir des propos péjoratifs), souffrent de certains maux suite à une vaginoplastie : douleurs locales (53,8 %), saignements (38,8 %), mauvaise cicatrisation (18,8 % des cas), problèmes urinaires (11,3 %), etc. Or ces situations, qui doivent être prises en compte bien entendu, nécessitent le concours de certains praticiens aguerris à ces cas de figure.
Ainsi les deux présidentes de ces associations soulignent dans leur article qu’au Canada certains spécialistes se sont regroupés pour répondre aux maux de ces personnes. Dans ce pays des andrologues, endocrinologues, et urologues s’occupent d’une prise en charge des soins post-vaginoplastie. Bien entendu les gynécologues qui le souhaitent peuvent également être des acteurs dans la réalisation de certains actes.
Cependant la participation de ces professionnels de santé nécessite une connaissance parfaite de ce sujet, ce qui semble de prime abord simple, mais qui ne l’est pas nécessairement.
Nous devons penser à certaines pathologies comme la vulvodynie, vaginisme, estibulodynie (elles sont également observées chez des femmes n’ayant eu aucune intervention) qui sont dans de nombreux cas prises en charge par d’autres spécialistes comme des psychiatres.
On peut critiquer à juste titre les propos quelque peu déplacés de notre confrère qui a refusé cette prise en charge, mais il faut reconnaître que notre champ de connaissance est très ou parfois trop large pour effectuer une prise en charge correcte.
Aussi est-il important de savoir laisser la main (il ne faut pas avoir d’orgueil mal placé à confier son patient à un autre soignant) à des professionnels qui connaissent mieux que certains spécialistes ces problèmes parfois très complexes.
Enfin, je pense qu’il ne faut pas polémiquer sur cette situation car le gynécologue incriminé s’est excusé de ses propos qu’il a jugés déplacés, mais qui correspondaient au fait qu’il n’avait pas les capacités de suivre certaines patientes.
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Il est important de savoir laisser la main à des professionnels qui connaissent mieux ces problèmes parfois très complexes
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