J’ai 62 ans, je suis médecin de famille et j’ai reçu mes patients jusqu’à mes 60 ans, du lundi au samedi, 12 à 14 h par jour… Cela a fait partie de ma vie. Je n’en ai jamais tiré de fierté, juste de la satisfaction. J’ai vécu des moments forts. J’ai vu grandir des bébés, qui une fois adultes m’ont confié les leurs… J’ai assisté à des malheurs et des bonheurs, reçu des confidences, écouté, conseillé, consolé, soulagé, soigné… J’ai fait face aux pressions et aux doutes induits par les médias et la désinformation. J’ai fait de mon mieux.
Depuis deux ans, je me suis offert un peu de temps libre en prenant mon jeudi. J’espère encore faire ce métier 3, 4, 5 ans. Peut-être plus si en réduisant mon temps de travail, je peux garder un équilibre financier à mon cabinet. J’ai le triste sentiment que mon rôle n’est pas estimé à sa juste valeur humaine et en rémunération.
La politique, les enjeux économiques et médiatiques, les plans ignorants et dévalorisants des pouvoirs publics donnent le coup de grâce au métier qui a tant compté pour moi et mes patients. Cette dévalorisation et les conditions d’exercice éloignent les jeunes générations du choix de l’exercer. Je n’aurai pas de successeur, et mes patients iront grossir les files d’attente des urgences. Ils y recevront des soins compétents par des confrères débordés mais courageux.
À une époque, mes confrères de ville et moi assumions 90 % des urgences. Mais les ARS ont démantelé nos réseaux de gardes… Les causes essentielles de la crise des urgences sont la maltraitance de la médecine de ville et la disparition des généralistes. Il ne fait pas bon déménager ou perdre son médecin traitant parti à la retraite… Ainsi, des millions de personnes sont orphelines de soins autrefois à portée de main. Et recherchent difficilement un cabinet où et n’ont d’autre choix que grossir la cohorte de ceux qui font déjà la queue aux urgences.
Mais chut ! Pas un mot de tout cela dans les journaux télévisés. Tout au plus, les “déserts médicaux” des campagnes sont-ils évoqués. Même si cela fait des années que les grandes métropoles sont touchées.
Il faut, madame la ministre, monsieur le président de la République, que vous vous dépêchiez de réorganiser les urgences, d'accroître le rôle des pharmacies, des infirmières etc., de développer la télémédecine, d’ouvrir de nouveaux centres de soins au concept novateur.
Moi, humble médecin, j’ai une idée simple à soumettre. Et si on payait la compétence et le service des généralistes à leur juste valeur : le double ! Comme nos confrères européens.
Horreur ! Compliqué ! Macron, président des riches ! Tous dans la rue ! Vive la France ! En attendant, les forfaits distribués par la CPAM ne semblent pas enthousiasmer nos potentiels successeurs, qui se recroquevillent dans leurs remplacements, gardes et autres activités salariées.
Les choix sont en train de se faire. Souhaitons que l’on arrive à éviter la catastrophe, car dans 5 ou 6 ans, tout au plus, la vieille arrière-garde aura pris sa retraite… Ah mais oui, la vieille arrière-garde ! On la réquisitionnera. Et les jeunes ? Ils seront astreints au service médical civique obligatoire ! Ça, c’est un plan plein d’imagination ! Souhaitons-nous bon courage, soigneurs et soignés ! Et pour les croyants : priez !
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