« Non à une téléconsultation bloquée ! » : dix personnalités dénoncent des « amendements scélérats » au PLFSS

Publié le 18/10/2022

À la veille de l'arrivée du PLFSS dans l'hémicycle, dix personnalités du monde de la santé (qui font partie du think tank Les Electrons) tirent le signal d'alarme contre les velléités de certains députés d'empêcher les consultations en distanciel, sans la présence obligatoire d'un professionnel de santé. Dans cette tribune, ils estiment que s'il est nécessaire de réguler les initiatives de plateformes commerciales, il ne faut pas brider un dispositif qui a bouleversé les prises en charge, de patients chroniques notamment.

Crédit photo : S.Toubon

CONTRIBUTION - Il est des moments où l’alliance des contraires produit des chimères toxiques. Le plus bel exemple, dans les 1 600 amendements déposés à la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 est certainement ceux numérotés 555 et 902. La créativité de la nupes, des LR, du modem et du RN rassemblés ont fait pondre une téléconsultation bloquée, recroquevillée dans des structures médicales qui nécessitera plus de recours à des professionnels en présentiel que ce que le principe même de la téléconsultation ne le nécessite.

En effet, ces amendements restreignent drastiquement la possibilité de recourir à des actes de téléconsultation, en obligeant le patient qui souhaite se saisir de cet outil à se déplacer et être accompagné d’un personnel paramédical. Pour autant, le développement de la TC ne doit pas conduire, à l’initiative de plateformes commerciales, à des prescriptions inappropriées d’actes ou d’arrêts de travail, et doit donc faire l’objet d’un cadre réglementaire spécifique. L’abus d’utilisation du bien commun qu’est notre système de protection sociale par des acteurs qui lui sont extérieurs ne doit pas conduire à le fragiliser ou le mettre en péril.

Pendant la crise de la Covid, la téléconsultation a bouleversé toute la prise en charge des malades chroniques en permettant à ceux-ci, en plein confinement, d’avoir des avis médicaux et des prescriptions et d’éviter les ruptures dans leurs parcours de soins. Le système s’est mis en place pour pallier les carences d’accès aux soins, liés aux déserts médicaux, aux accès difficiles aux urgences hospitalières et, en général, à une carte sanitaire souvent inéquitable dans les territoires. Utilisée par 60 % des médecins généralistes, les Français l’avaient plébiscitée et, selon une enquête réalisée par « Le Figaro » : les patients ont eu 3 fois plus recours à la téléconsultation sur une période d‘un an, 73 % des Français émettent un avis favorable sur la télémédecine, 88 % des Français ayant pratiqué la téléconsultation ont apprécié l‘expérience, 92 % des habitants de l'Hexagone connaissent désormais la téléconsultation.

À juste titre, une fédération d’associations de malades (La Fédération Française des Diabétiques, l’Alliance du Cœur, l’Association des malades, aidants et transplantés hypertension pulmonaire, France AVC, et le Collectif national des Associations d’Obèses) appelle à la raison du législateur, dans un contexte où les ressources humaines en santé demeurent extrêmement limitées. Elle propose d’encadrer strictement le développement des cabines dédiées à cet effet et de développer des dispositifs d’accompagnement spécifiques aux personnes en situation d’illectronisme pour répondre à l’enjeu soulevé.

Il est aberrant, au moment où le ministre de la Santé et de la Prévention concentre l’essentiel des efforts sur les déserts médicaux et le respect des parcours de soins, que des groupes politiques fassent preuve d’autant d’irresponsabilité pour aboutir à un résultat totalement contraire à ce dont ont besoin les Français, les malades et leurs médecins.

Cette contribution n’a pas été rédigée par un membre de la rédaction du « Quotidien » mais par un intervenant extérieur. Nous publions régulièrement des textes signés par des médecins, chercheurs, intellectuels ou autres, afin d’alimenter le débat d’idées. Si vous souhaitez vous aussi envoyer une contribution ou un courrier à la rédaction, vous pouvez l’adresser à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr.

Didier Bazocchi (vice-président du think tank CRAPS), Sophie Beaupere (Déléguée générale chez Unicancer), Nejma Chami (Head of global medical affairs Grünenthal groupe), Philippe Denormandie (chirurgien orthopédiste, membre du conseil de la CNSA), Olivier Mariotte (Président de Nile), Vincent Olivier (Président de l'agence Recto Verso), Jean-Paul Ortiz (ancien président de la CSMF), Benoît Péricard (ancien Directeur de l'ARH Pays-de-Loire et du CHU de Nancy), Isabelle Riom (interne en médecine à l'AP-HP, présidente du SRP-IMG), Guy Vallancien (Urologue, membre de l'Académie de médecine).

Source : lequotidiendumedecin.fr