Lors d’une discussion récente avec un collègue, les échanges se sont focalisés sur les négociations conventionnelles et le lien avec la démographie médicale, dont les projections les plus pessimistes pour les années à venir sont encore bien trop optimistes. En d’autres termes, une discussion focalisée sur l’équation insoluble du maintien d’une haute qualité des soins à moyens humains en baisse constante. L’accès aux soins, permettant à chaque concitoyen qui le souhaite de trouver un professionnel de santé pour accéder à ses demandes, est le leitmotiv de nos ministres successifs.
Il y a encore une vingtaine d’années, l’accès aux soins était le b.a.-ba de tout le système de santé. Tous les moyens ont été mis sur la table pour que le patient qui souhaitait consulter en pleine nuit pour un problème de santé non urgent, et durant parfois depuis plusieurs semaines, puisse être pris en soins sans jamais avoir à être inquiété ou même son attention attirée sur sa mauvaise utilisation des ressources de santé. Pire encore, cette situation recevait l’aval qui des directeurs hospitaliers, voyant une occasion d’équilibrer leur budget grâce aux recettes engendrées par le flux incessant des entrées, qui des médecins libéraux pour ceux d’entre eux aimant la multiplication des actes aux tarifs majorés de la permanence des soins.
Une affaire d’administratifs
Cette permanence des soins, ne nous y trompons pas, n’est pas une affaire de médecin. La permanence des soins est une affaire d’administratifs. Elle consiste en la production d’un tableau de garde où, dans l’idéal, aucune case d’aucun secteur de garde ne doit jamais être vide. Et si, par malheur, l’une d’entre elles devait l’être, une réquisition viendrait réparer cette valeur manquante dans le tableur ARS des secteurs de garde. Avec une autre particularité presque perverse à ce système de recherche de « bouche-trou » : la réquisition se faisant en choisissant un nom dans la liste des médecins… participant déjà à la permanence des soins. La morale de l’histoire voulant donc que le meilleur moyen de ne jamais être réquisitionné serait de ne jamais commencer à assurer la permanence des soins. Le poids de cette permanence ne devant, visiblement, que reposer sur les épaules de ceux qui en font déjà davantage.
Cette continuité des soins fait d’ailleurs partie de l’ADN des médecins généralistes
La permanence des soins permettant d’avoir un médecin à n’importe quelle heure du jour et de la nuit ne préjuge en rien de la pertinence des soins. En cette période, malheureusement uniquement débutante de démographie en berne, il est permis de se demander s’il est vraiment pertinent de permettre un accès aux soins sans régulation, sans tentative de rationalisation de la demande, l’offre étant déjà régulée bien malgré elle. Ou plutôt, régulée par la force des choses et des décisions politiques successives de ces trente dernières années…
S’assurer de la continuité des soins
Ce qui devrait nous guider, nous soignants, c’est de s’assurer de la continuité des soins. Que tous nos concitoyens dont la vie ainsi que la santé, ne dépendent que de la bonne coordination des professionnels de santé devant intervenir auprès d’eux, puissent obtenir les soins ad hoc. Que tout patient hospitalisé puisse recevoir les soins dont il a besoin, prodigués par un professionnel connaissant son dossier, ses antécédents… Ou qu’aucun patient en ville ne se retrouve démuni, si son état de santé nécessite une coordination des soins entre les professionnels de santé. Cette continuité des soins fait d’ailleurs partie de l’ADN des médecins généralistes. Non pas qu’elle ne puisse pas se retrouver dans d’autres spécialités médicales, mais elle est particulièrement prégnante chez les professionnels de santé de première ligne. Assurer la continuité des soins ne veut pas dire être présent 24 heures/24, 7 jours/7 toute l’année, mais bien qu’il n’y ait pas de rupture dans la chaîne de soins.
Ce n’est qu’en veillant à la bonne adéquation entre pertinence et organisation des soins, sans méconnaître une part de l’organisation de la permanence, que nous pourrons garantir un accès au soin équitable pour tous sur tout le territoire. Cette équité n’aura rien à voir avec l’éventuel clivage fantasmé par certains élus, entre rural et urbain : il y aura autant, si ce n’est plus, d’iniquité au centre de Paris qu’en pleine campagne.
Sans profonde refonte de notre système de santé de première ligne, nous risquons de voir disparaître la santé “à la française” pour la voir être remplacée par une médecine sectorisée, en silo, irrationnelle, avec un accès aux soins qui dépendra surtout du niveau de revenus des patients. Une médecine à deux vitesses, peu pertinente, peu efficiente mais certainement pas moins chère…
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