Inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale du 1er avril, la proposition de loi transpartisane contre les déserts médicaux ne fait pas rire les médecins. Parmi ses cinq articles, elle prévoit de réguler leur installation et de rendre obligatoire la permanence des soins. « L’enjeu est de répondre à la crise de l’accès aux soins », défend dans nos pages Guillaume Garot, député socialiste de Mayenne et porteur de la PPL. Le texte a été signé par 258 des 577 élus siégeant dans l’hémicycle, pas si loin de la majorité. Pourtant, cette offensive devrait se heurter à des oppositions. À commencer par celle du ministre de la Santé, qui s’affiche résolument contre la coercition dans un grand entretien au Quotidien. Yannick Neuder l’affirme : « Le remède serait pire que le mal ! » Sur X, la députée de la majorité Stéphanie Rist y voit « une recette pour signer la mort de la médecine de ville ».
Ne faut-il pas, surtout, garantir des conditions d’exercice attractives ?
Du côté des médecins, les craintes grandissent. Deux tiers des participants à notre grande enquête lecteurs, menée ces dernières semaines et dont les résultats sont présentés dans nos pages, s’avouent inquiets quant à la remise en cause de la liberté d’installation. Parmi les plus de 70 % qui rejettent de telles mesures, 12 % se montrent toutefois résignés, voyant l'encadrement comme inévitable. Pourtant, la présidente de MG France, la Dr Agnès Giannotti, dénonce une « vision à court terme », qui aura pour conséquences la perte d’attractivité de la médecine libérale dont les parlementaires porteront la responsabilité. « Ce que fait le député Garot, c’est du sabotage pur et simple ! », renchérit la Dr Moktaria Alikada, nouvelle présidente de l’association Médecins pour demain. « Nous avons une profession et un mode d’exercice assez fragiles aujourd’hui. Ajouter une loi coercitive ou de régulation, c’est ajouter des contraintes, qui risquent de se traduire par une fuite des libéraux vers d’autres modes d’exercice notamment », alerte le Dr Kilian Thomas, premier vice-président du syndicat Reagjir.
Si plus d’un quart des participants à notre enquête estiment toutefois que la régulation permettrait d’améliorer l’accès aux soins, la plupart d’entre eux anticipent des conséquences néfastes : désaffection de la médecine, multiplication du remplacement, revente de patientèle et départs anticipés. Pour éviter d’en arriver là, nos lecteurs, comme les syndicats, préfèrent miser sur les mesures incitatives, comme des aides financières mais aussi un guichet unique pour accompagner les futurs installés. Ne faut-il pas, surtout, former plus de médecins tout en leur garantissant des conditions d’exercice attractives ?
C’est vous qui le dites
« C’est plus facile de punir un médecin qu’un abruti tapageur »
Les droits, mais aussi les devoirs de chacun
Tribune
« Combien d’événements graves de santé faut-il encore avant d’agir ? »
Débat
Défiance envers la science : vos patients sont-ils plus suspicieux envers la parole médicale ?